M'avaient-telles suivi? Je l'ignorais. Toujours est-il que je poursuivis mon chemin sans détourner mes pensées de leurs paroles. Si je devais me fier aux probabilités, il était fort possible que plus de la moitié du village soit opposée à mon installation en son sein. Dans tous les cas, c'était mon objectif, et j'étais prêt à supporter les regards, la non acceptation générale... De toute manière, je ne comptais pas dispenser facilement ma confiance et mes buts au premier venu, alors les gens pourraient bien penser, jaser, je m'en contreficherais. Faire mon trou, devenir plus fort, et ... et quoi au juste?

A vue de nez, je n'étais pas encore capable d'atteindre ne serait-ce qu'un millième de mes ambitions. Le constat n'était pas très encourageant, à en juger par ce premier accroc avec les trois jeunes femmes de Suna. Moi, ancien membre de la division parallèle des forces d'Iwa, ayant tué un nombre incalculable de fois, ayant participé à la Grande Guerre à l'âge de 13 ans à peine, ayant ensuite connu l'appauvrissement atroce de mon Pays, et son incapacité à faire face aux nouveaux dangers qui le dévastaient, ayant perdu absolument tous mes proches, qu'ils soient de facto morts, ou simples disparus... Je n'avais en tête qu'une profession de foi: faire cesser cette folie, rendre à Iwa sa force, et faire de la Cité-d'en-Haut une puissance protectrice, où Justice et Ordre seraient les maîtres-mots. Le monde nous craindrait, désespérerait, obéirait, pour le bien de tous, pour l'élimination de la vermine.

Qui d'autre que moi pourrait porter ce projet? Personne, c'était évident. Maître Yuukyuzan m'avait offert un Rouleau en héritage. Je l'avais consulté, voyant le grand cadeau qu'il me léguait. J'avais alors retenu et séché mes larmes d'avoir appris sa mort de façon aussi abrupte, le doute n'étant alors plus permis sur ce qu'il attendait de moi pour l'avenir du monde. Le chemin serait long, il commençait à peine, mais... il fallait bien que quelqu'un se sacrifie pour accomplir le sale travail. Tous les empires se bâtissaient inéluctablement sur du sang et des cadavres, après tout.

Amer mais déterminé, j'arrêtai ma course sous l'abri de deux rochers biscornus. Le vent y était plus faible, mais je ne doutais pas que leur souffle habituel avait donné leur formes si particulière aux deux masses solides. Je sortis un crayon et ma carte, observant l'emplacement du rouleau que j'avais lancé à la belle Temari de Suna. Il était en mouvement, mais pas dans ma direction. Cela pouvait dire qu'elle obéissait, mais je n'en étais pas sûr; ce pouvait être une des deux autres, mais j'en doutais. Dans tous les cas, je n'avais qu'une chose à faire: me diriger vers elle.

Mais avant cela, j'extirpai un crayon de ma sacoche, et, observant l'endroit, j'inscrivis une petite croix sur ma carte, comme un repère à me remémorer pour plus tard. Je grimpai ensuite sur le plus haut des deux monticules érodés, et observait le lointain à la recherche d'autres objets susceptibles de m'aider à trouver mon chemin plus tard. Je m'y rendis alors afin de les noter également. Je me tournai alors dans la direction du rouleau pour constater que la montagne que j'avais longé précédemment était également par là. Le vent s'était totalement tu, on entendait le bruit du moindre animal - même mon souffle était bruyant. Je rangeai mes outils, excepté la carte, demeurant perplexe et redoublant de vigilance.

Le soir arrivait tard dans cette contrée... J'avançai donc avec prudence, sans abri possible, en direction de la masse sombre. On aurait pu croire à un mirage, et nul doute qu'elle était invisible par grand vent, mais le fait est que je l'avais trouvée complètement par hasard une heure plus tôt, en rencontrant les trois Kunoichi. Etait-ce donc l'emplacement de la ville du désert? Je touchais peut-être au but...

Et c'est alors que j'entendis le bruit étouffé du sable crissant. Quelqu'un courrait, non loin de moi. Une nouvelle rencontre? Les filles de tout à l'heure? Prudent, je roulai ma carte et la glissait dans ma sacoche. Puis j'attendis, immobile, observant du haut de ma petite dune. Dans cette position dominante, je ne pouvais pas manquer l'éventuel l'assaillant.