Le destin est quelque chose d’étrange. Je vagabondais depuis près d’une année déjà, espérant trouver ce que je cherchais. Pas au sens où l’on a un objectif que l’on poursuit, non. Je devais trouver qu’est-ce que je chercherais. Assez embêtant non? Et, quelque temps avant de rencontrer Gaishi Jin, je rencontrai un personnage singulier dont j’ignorais l’existence et qui, pourtant, avait joué un rôle immense dans l’organisation que je devais rejoindre environ deux semaines plus tard. Voici donc le récit de notre rencontre.

Ma vie n’était que hasard. J’ignorais ce que j’allais manger le soir et je ne savais pas si je devrais dormir à la belle étoile, appuyée le dos contre un arbre. C’est donc sans trop savoir que j’arrivai à Kaminari no kuni. Les rues se ressemblaient toutes et la fraîcheur de la nuit commençait à se faire sentir. Mes vêtements étaient trempés par la pluie et j’avais froid. Fort heureusement, mon maquillage tenait encore bon. C’est, comme à ma nouvelle habitude, par hasard que j’entrai dans ce petit pub. Lorsque j’entrai, les regards demeurèrent prisonniers de l’alcool et des plaisanteries de bar, si bien que je passai tout à fait inaperçue. Bien. Je m’approchai du comptoir et attendit que le tenancier vienne me demander ma commande. Après près d’une minute entière sans qu’il eu daigné lever son regard vers moi, je commençai à m’impatienter, pas super comme service. J’allais me préparer à lui envoyer un senbon dans l’œil lorsque, enfin, il s’accouda au comptoir et leva ses petits yeux porcins vers moi.

« Un thé, bien chaud. »

Il me regarda avec un regard amusé avant de prendre l’air de celui qui s’apprêtait à expliquer quelque chose de purement fondamental à un enfant. Mon regard de glace tua sa tentative dans l’œuf. Je répétai ma demande avec le ton le plus acide du monde. Il sembla hésiter, puis m’indiqua le prix. Un prix fortement démesuré par rapport à tout ce qu’il avait afin de me décourager, bien évidemment. Je lui donnai seulement une pièce et ajoutai :

« S’il y a autre chose que de l’eau chaude et du thé là dedans, je le saurai. »

Avec ce genre de petits établissements, autant prévenir. Je lui laissais le choix, c’était très rare de ma part. Il revint au bout d’un instant et j’étais ravie de voir qu’il s’en était tenu à me servir un excellent thé, sans crachat ou autres substances que je n’aurais pas désiré boire. Je choisi une table dans un coin, ayant ainsi une vision aisée sur l’ensemble du bar.

Je venais de finir mon thé lorsqu’il entra. Une lourde cape noire tombait sur ses yeux et sa démarche avait l’air…non, il n’avait l’air de rien en fait. Qu’un idiot qui avait mit une cape pour cacher son visage, alors que c’était particulièrement ce qui attirerait l’attention sur lui. La preuve, on m’avait à peine regardé. Je fis comme la masse et je le suivi du regard. Simplement, mon regard était curieux, et non pas semi-agressif comme tous ces alcooliques qui étaient déjà dans un état avancé au début de la soirée. Il venait de commander un saké auprès du tenancier que j’avais failli assassiner quelques minutes plus tôt. Encore une fois, ce dernier n’était pas très compétant. Quoi qu’il en soit, je compris que la soirée allait être mouvementée lorsqu’un homme ivre se dirigea vers lui pour retirer la capuche de l’inconnu. L’homme réagit très agressivement. Nerveux peut-être? Un autre déserteur?

Quoi qu’il en soit, il n’y avait pas qu’à moi que ce geste paru provocateur et cinq hommes se levèrent. La plupart avaient du mal à marcher droit. Toutefois, il y en avait bien un qui avait le regard vif et qui semblait avoir du mal à contenir son énergie. Lucide? Pas tout à fait pour autant. L’un d’eux empoigna une chaise dans le but de l’asséner sur la tête de l’inconnu. Bagarre générale dans trois…deux….Curieuse, je restai à ma place juste un tout petit peu plus longtemps. Peut-être pourrais-je aider l’inconnu par solidarité, mais pour l’instant je voulais voir s’il n’était qu’un frimeur ou s’il était un être que je pouvais considérer comme étant intéressant.

Il était doué, très doué. Tout c’était fini très, très vite. Un sourire de satisfaction se créa sur mes lèvres. Mes yeux d’un bleu d’azur le détaillaient avec curiosité. Il valait la peine que je regarde le tout de plus prêt. Quand on a la chance de juger un homme comme ça, on en profite. Moi et ma manie de décider qui je veux laisser vivre et qui je veux voir mourir. À ce moment là, le dernier homme tira un katana de son fourreau. Il s’approcha de l’inconnu qui avait maintenant retiré sa capuche et se commandait un autre saké. Je savais que l’homme pourrait se débrouiller seul, mais je préférais ne pas prendre de risques. Je décidai. En un geste rapide, je sortis un flacon et enduit un senbon d’un liquide transparent. À l’instant où l’homme préparait son coup de katana, mon aiguille se logea dans son abdomen, entre deux côtes. Je venais de lui perforer un poumon et de lui injecter l’un des plus dangereux venins du monde. Il tomba sourdement, gémissant sur le sol. Personne ne m’avait vu lancer le senbon qui était d’ailleurs allé trop profondément pour qu’on le voie sans pratiquer d’autopsie. Tous crurent donc que l’inconnu était à l’origine de cet effondrement suspect. Ces quatre compagnons se relevèrent et le traînèrent par les aisselles en dehors du bar. Ma cible ne survivrait pas à la nuit. Tous demeurèrent bouche bé, puis continuèrent à vaquer à leurs occupation sans regarder l’inconnu accoudé au bar avec un nouveau verre de saké.

J’attendis quelques instants, histoire que les gens passent à autre chose, et je m’approchai du comptoir. J’y déposai ma tasse et fit signe à l’homme derrière le comptoir. Je ne devais plus avoir l’air aussi menaçante avec les récents événements, mais il vint quand même me servir rapidement.

« Un autre thé s’il vous plait. »


Le serveur partit vers la cuisine chercher plus d’eau chaude. Je m’assis au tabouret juste à côté de l’inconnu. Je le détaillai du coin de l’œil, hésitant sur la façon dont je devrais m’y prendre. Finalement j’attendis que le tenancier revienne avec mon thé. Je le payai et pris une longue gorgée de ce breuvage chaud. Je regardai l’inconnu une autre fois du coin de l’œil, me décidant à lui parler.

« Vous savez, c’est normal que tout le monde vous regarde quand vous entrez quelque part si vous tentez de dissimuler votre identité. Je suis entrée, ils m’ont regardé cinq secondes, se sont dit que je ne valais pas la peine à cause de mon maquillage et ont continué à boire. C’est dangereux pour nous les déserteurs d’avoir l’air de ce que nous sommes vraiment. »

J’avais dit tout cela presque en murmurant, sûre de moi. Ses vêtements, sa façon d’agir, l’absence de bandeau ninja, les capacités martiales. Il était comme moi, un vagabond. J’étais prête à parier mon ancien village là-dessus, pas que j’y tienne encore beaucoup, mais bon. Je n’attendis pas vraiment de réponse, j’espérais seulement qu’il ne me prendrait pas pour une Oinin ou quelque chose du genre. Avec une telle proximité, je n’aurais pas le temps d’enduire un senbon de mon poison pour me défendre.

Je m’étais assise à ses côtés avant de m’adresser à lui de façon plutôt imprudente. J’étais certaine d’avoir raison, mais je n’étais pas certaine qu’il apprécie le fait que je le notai ainsi. Il me regarda et jeta un œil à ma tasse de thé. Il soupira. C’est vrai, une tasse de thé dans un bar, c’est inapproprié. Mais théoriquement, j’avais déjà fait des choses bien pires qui avaient menés à ma désertion forcée. Il me demanda comment je faisais pour boire une telle chose, bonne question. Je pouvais sois lui parler franchement, soi éluder la question et ne pas m’ouvrir à lui. Toutefois, pour juger les gens et décider de ce qu’ils méritent, il faut établir un lien avec eux. C’est ce qui fait que je suis très honnête la plupart du temps.

« Dans mon ancien village, mon sensei en partageait avec moi avant chaque séance d’entraînement. Il y mettait certaines herbes qui facilitaient la concentration et la circulation du chakra, j’en traîne toujours avec moi au cas où je voudrais m’entraîner. »

Puis, je pris une autre gorgée de mon chaud breuvage en fermant les yeux, savourant chaque goutte de souvenir. L’inconnu poursuivit ensuite sur sa lancée. Il semblait étonné de savoir que j’étais une déserteuse, ce qui signifiait que je faisais bien les choses, contrairement à lui. Il me demanda comme j’en étais arrivé là. Avais-je voulu me détourner de ce qu’il appelait le bon chemin volontairement, ou avais-je un but à accomplir. J’eus un sourire mi-amusé, mi-triste. Pour lui, ça se résumais à ça déserter? Il pensait vraiment que les déserteurs avaient tous le choix? Que j’avais troqué mon appartement, ma famille, ma position plus qu’importante à l’hôpital et les souvenirs de mon aimé pour dormir à la belle étoile dans les broussailles volontairement? C’était peut-être son cas, pas le mien. J’avais plus perdu que je n’avais gagné dans cette affaire jusqu’à maintenant, mais ça, c’était avant de rencontrer Gaishi Jin. Je lui répondis donc avec ce qu’il me semblait juste de lui répondre à ce moment là.

« Contrairement à d’autres, ce n’est pas pour un futur différent que je suis partie, mais à cause d’un passé amer et de circonstances qui ne m’ont pas laissé le choix. Si j’étais restée, ils m’auraient sans doute fait exécuter. Il ne s’agit pas de bon ou de mauvais chemin. Rien n’est bon ni mauvais en soi. Il serait trop simple de dire que je suis une méchante, que je mérite d’être chassée et tuée parce que je pourrais révéler des secrets à propos de mon village et être une menace. Si on ne connaît pas une personne, on n’a pas le droit de la juger. Pas plus qu’on a le droit de dire que son thé est imbuvable quand on n’y a pas goûté. »

Sur ce, je terminai ma tasse de thé d’une longue gorgée et je laissai ma tasse à l’abandon sur le comptoir. Puis, je lui souris. J’étais curieuse, moi aussi, de savoir pourquoi il était ici. Je voulais savoir ce qu’il était, parce qu’on est jamais tout noir ou tout blanc.

« Et comment un homme se retrouve t-il dans un village perdu comme Kaminari no Kuni pour boire un saké dans un bar aussi miteux? Qu’est-ce qui le pousse à se lever le matin et à continuer à mettre un pied devant l’autre? »

Il me dit avoir décidé d’être un déserteur. C’était sans doute ce qui expliquait sa vision plutôt simpliste de la chose. Les répercussions avaient du être moins grandes sur sa vie que sur la mienne. Il voulait sa liberté. Charmant. Puis, il enchaîna sur la question du bien et du mal. Je comprenais ce qu’il voulait dire, mais d’une certaine façon, je me demandais si son plan mènerait vraiment à quelque chose d'autre que l’extermination complète de la race humaine. M’enfin, laissons-le continuer. Il conclut en disant qu’il était ironique de vouloir stopper la violence par plus de violence. Je lui répondis immédiatement.

« Si tu savais combien de gens et d’animaux ont perdu la vie dans des expériences médicales pour sauver plus de gens, tu verrais que c’est simplement une normalité de ce monde immonde, comme tu le dis si bien. »

Mon camarade de comptoir commanda ensuite un saké pour moi et une tisane pour lui. Mes lèvres s’étirèrent en un sourire. Il ajouta ensuite qu’il pourrait critiquer le breuvage librement maintenant. Décidément, il me plaisait bien. J’avais donc déjà décidé de le laisser continuer son chemin pour ce soir, il serait intéressant de voir ce qu’un homme comme lui pourrait accomplir dans la vie.

Le barman arriva avec notre commande et j’interceptai la tasse de tisane bouillante. J’extirpai de ma sacoche latérale une petite bourse en tissus. À l’intérieur de celle-ci se trouvaient des herbes que j’avais cueillis dans les alentours de Konoha, mon village d’origine. J’extirpai le petit sachet d’herbes déjà présent dans la tasse et pratiquai une incision avec un senbon. J’y ajoutai ensuite une pincée de mes herbes avant de recoudre le sac habilement avec des fils d’énergie. Je laissai la pochette de thé retomber dans le breuvage avant de tendre la tasse à l’inconnu.

« Il faut attendre une minute, pour être certain que l’eau chaude a bien pris le goût de l’herbe. Ne t’inquiète pas, c’est ce que je mets toujours dans mon thé, ce n’est pas du poison. »

Je pris ensuite une gorgé de saké avant de faire la grimace.

« Je n’en ai pas bu depuis des années. Je ne me souvenais même plus du goût, ça surprend un peu. (Pause) Alors, c’est quoi le plan pour purifier le monde? Tu dis que tu veux trouver une solution, mais ce n’est pas en restant assis dans un bar que tu trouveras, du moins je ne crois pas. Plus on attend, pire sont les choses, toujours, même avec la tisane. Froid ce n’est plus très bon. »