Hibiki prit délicatement le micro entre son index et son pouce, et murmura à l’attention de son coéquipier. Son regard perçant observait la silhouette figée à une centaine de mètres de là, leur cible, occupée à il ne savait quel méfait. Encore une mission de Rang D, encore un jour de grande utilité pour lui, au service de la grandeur de Konoha. Il préférait voir les choses de cette façon : il fallait des larbins comme lui dans ce monde, de toute manière. Ninja, aventure, passion, puissance : ouais, l’affiche était alléchante. La réalité, comme toujours, nettement moins. Il en fallait des efforts pour parvenir à quelque chose dans le village de la Feuille. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, et cette impression désagréable de trahir une très vieille et très importante promesse : Hibiki n’était pas au mieux.

Hibiki - La cible se déplace vers les tonneaux, elle est équipée d’un dispositif de mise à feu rapide.

Autrement dit une boite d’allumettes. Un acte de vandalisme de bas étage, par un mauvais plaisantin. Un gamin comme lui le fut à l’époque, sans doute. Comme lui avant cette bastonnade, et son sauvetage inattendu par la jeune fille qu’il avait pris pour modèle. Mais à 20 ans, force était de constater qu’il était loin d’avoir accompli ce qu’il avait planifié. Mais bon, du haut de son mètre 65, on lui pardonnait facilement : eut-il eu cinq ans de moins, on ne se serait pas aperçu de la différence. Personne ne lui disait en face qu’il était la honte du corps Ninja de Konoha. Ce n’était pas dans l’esprit local, où l’entraide était une vertu cultivée dès le plus jeune âge.

Hibiki - A toi de jouer, collègue…

Pris en flagrant délit, le gamin fut arraisonné par le collègue en question, avec force protestations, et emmené au relai le plus proche pour y endurer sa sanction. Et voilà, encore une mission terminée. La vie poursuivait son cours nonchalant, personne ne se souciait de l’existence de Hibiki, et il ne se souciait de l’existence de personne. Enfin presque… Il y avait bien cette jeune fille qui trottait quelque part entre la zone interdite de son esprit et la réalité du moment… Sa paye en poche, il se rendit à l’épicerie la plus proche pour s’acheter de quoi se nourrir le soir. Il se demanda ce qu’il adviendrait de lui le jour où Konoha ne trouverait plus aucune mission à lui confier. Il écarta d’un revers de main cette idée : il y aurait toujours des chats perdus, des voleurs de bas étage, des cours à balayer, des jardins à nettoyer, des poubelles à curer… Il préféra arrêter l’énumération, c’était trop pathétique. Voilà, il y avait deux types de Ninja : les balèzes, et les sous-fifres. Il appartenait définitivement à la seconde catégorie.

Et ça durerait jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite. Charmante perspective. Un peu de sashimi, du poisson du lac Taka-Hana, des fruits de saison et une bonne salade verte constitueraient son menu. Le soleil de cette fin de journée était agréable, doux, et la lueur orangée rendait la scène encore plus poétique. C’était le meilleur moment de la journée : Konoha sous le brasier d’un coucher de soleil. Ouais : il fallait continuer le travail, se rendre utile à la société, se sacrifier pour la génération future, faire un monde meilleur, tout le blabla. Parfois, il se demandait si tout cela l’intéressait vraiment… Etait-il vraiment consentant face à cette privation ? Sa satisfaction était-elle suffisante ? Il en était là dans ses pensées quand il arriva en bas de l’escalier menant aux étages supérieur. Il grimpa deux étages, prit à droite : le corridor débordait au-dessus de la route, et on pouvait presque la franchir d’un bond pour rejoindre l’immeuble d’en face. L’endroit était obstrué de toutes parts, ne laissant aucun champ de vision lointain. Il arriva devant sa porte et fut pris d’un sentiment de malaise. De l’appréhension. Quelque chose d’inhabituel l’attendait de l’autre côté, il en était certain…

Il ravala sa salive pendant que la sueur froide coulait le long de sa nuque, et porta sa main tremblante à hauteur de la serrure. Il y introduisit la clé avec difficulté, les yeux légèrement écarquillés, l’autre main cherchant maladroitement une arme dans sa poche de pantalon. Et soudain, il prit sa décision : la clé tourna, la poignée fut baissée, et il ouvrit la porte à la volée.

Rien.

Il entra. Tout semblait normal. Il poussa un soupir et baissa la tête en se disant qu’il était vraiment stupide pour se faire des frayeurs pareilles tout seul. Et ce faisant, il se rendit compte que tout n’était pas tout à fait normal. A ses pieds se trouvait un rouleau de parchemin à l’air officiel. Hibiki ne recevait jamais de courrier : tout arrivait au centre Shinobi du quartier… Il ferma la porte délicatement après avoir vérifié de façon plus ou moins efficace qu’on ne le surveillait pas, et se baissa pour ramasser l’objet.

Il avança dans le vestibule et s’assit sur son lit simple, en monts de chiffons, et se consacra à la lecture du parchemin. Il fallait bien commencer par quelque chose… Il détacha le tissu vert qui retenait l’objet, et le déroula. Il reconnut immédiatement le signe distinctif Ninja du village. Un ordre de mission spécial ? Le cœur de Hibiki se mit à battre avec enthousiasme. C’était quelque chose d’exceptionnel pour un Ninja de son calibre que de recevoir un ordre de mission chez soi… Il lut.

A la fin de la lecture, il se demanda s’il était bien réveillé. Il s’agissait d’un ordre d’assignation au sein d’une équipe officielle de Shinobi. Les jambes un peu écartées, les bras relâchés entre les deux genoux et les deux mains tenant le document, il resta pensif. C’était peut-être sa dernière chance de ‘briller’, car le nom du Taïchou n’était autre qu’Izuko Megumi... La seule évocation de ce nom ranima des souvenirs latents en lui, l’époque où il n’était qu’un gosse inutile, un fardeau pour la société, et un délinquant promis tôt ou tard au jugement du village. A cette époque, il se fit battre à mort par un groupe de gamins du quartier, tous plus haineux les uns que les autres. Elle l’avait protégé d’une annihilation certaine, et lui avait fourni une seconde chance dans la vie…

Il soupira. Oserait-il seulement lui faire face, lui, le sans talent, le Shinobi de troisième zone, tout juste bon à nettoyer des sanitaires ? Il n’avait pas bien le choix de toute manière. Il tenta de tromper son anxiété en s’exerçant avec une ardeur inhabituelle en salle de musculation et étirements, mais ses pensées étaient tournées vers une seule et même chose : elle. Il ne l’avait pas revue depuis 9 ans, elle devait être devenue splendide et terriblement forte. Lui n’avait pas énormément changé, peut-être assez pour ne pas être reconnu au premier coup d’œil, malgré tout. Hibiki occulta totalement les autres membres de l’équipe, comptant comme des valeurs secondaires. Seule Megumi occupait son esprit. Le lendemain allait très vite arriver…

En vérité, il fut incapable de dormir, et se mit à son balcon pour observer les étoiles. « Soyez armé », disait le message. Il vérifia son inventaire : rien n’avait bougé. Grâce à ses payes régulières, il avait accumulé un arsenal basique conséquent, dissimulé dans ses vêtements. Ce matériel demeurait jusqu’à ce jour inutilisé. Le rendez-vous était fixé dans une zone éloignée du centre : le mémorial. Hibiki ne s’y était jamais rendu autrement que par nécessité pour une mission, et ne s’y était jamais attardé. Il n’avait d’ailleurs personne à y pleurer. Drôle de choix, en tout cas… Quoiqu’il en soit, il se prépara un encas énergétique et le rangea soigneusement dans une de ses nombreuses poches secrètes.

Bon, il n’était pas utile de faire de vieux os… Le garçon sortit de sa tanière et s’aventura dans les ruelles peu éclairées de Konoha. La nuit n’avait rien de rassurante, mais il saurait se défendre contre des hors-la-loi de bas étage, au moins. Une dizaine de minutes plus tard, il quittait le couvert des bâtiments et progressait en rase-campagne, longeant un ruisseau encombré de blocs luisants sous la lueur stellaire.

La lune montait vers son premier quart, et éclairait faiblement la lande. Bientôt, le mémorial se dressa devant lui… Mais il restait trois bonnes heures avant l’aube… Le froid de la nuit était délectable. Son humidité également. Hibiki ne supportait pas le soleil et la chaleur... Il s’assit au pied d’un arbre, non loin de là, et se mit à contempler le ciel. C’était un moment rare, il fallait en profiter. Son imagination vagabonda ainsi, oubliant le temps présent, se consacrant à un courant inconnu et constant, quelque chose de très lointain et très supérieur à tout ce qui était terrestre. Les lumières étaient si belles.

*Je devais briller davantage qu’elles, c’est ça ?*

Pas une franche réussite. Il s’égara et s’endormit sur ce bémol…


L’aube pointa ses couleurs rougeoyantes. Hibiki ouvrit les yeux. Les ombres s’étiraient à perte de vue, mais rétrécissaient à vue d’œil à mesure que les secondes s’écoulaient. Le jour était arrivé… Pas le temps de se retourner pour lui : il devait faire face. Capitaine Izuko ? Megumi-Sempaï ? Izuko-Sama ? Comment la nommer ? Le reconnaitrait-elle ? Toutes ces questions trouveraient tôt ou tard réponse. Il se prit à penser qu’il était incroyable que de tout Konoha, elle seule soit ainsi capable de troubler son assurance permanente bien qu’apparente.

Il ne dépassait guère des fourrés le masquant du mémorial, mais ça n’aurait en aucun cas trompé un Shinobi averti, il en avait la certitude, sans parler d’un sensoriel. Toutefois, il vit une silhouette adulte se rendre d’un pas lent mais décidé. Il reconnut ses traits bien avant qu’elle ne soit au niveau du mémorial, et la peur de décevoir l’envahit de nouveau. Elle avait bien changé... Son visage était dissimulé par le maquillage, et ses yeux surtout en ressortaient. Et surtout, elle était une véritable femme! Il était indigne d’elle. Il avait trahi sa propre promesse, renié son propre Nindo ? Avait-il vraiment fait de son mieux ?

Elle s’installa calmement, en tailleur, sans prêter attention à la végétation : elle ne devait pas s’attendre à ce que quelqu’un soit déjà présent. Un des futurs coéquipiers de Hibiki se présenta peu de temps après. Il était assurément jeune, mais on aurait pu lui donner le même âge… Il se présenta sous le nom de Senju Shin. Un Senju ? Le clan du Mokuton ? Du gratin comparé à lui-même, pensa-t-il… Sauf si Senju était son prénom, auquel cas…

Shin - Vous devez sûrement être Megumi Izuko, mon nouveau Senseï ?
Megumi - Bien sûr que c’est moi, il n’y a personne d’autre ici. Il faudrait travailler un peu ton sens de la déduction, Senju.

Et la dernière du quatuor arriva très vite après… Jamais Hibiki n’avait vu quelqu’un d’aussi bizarre : elle n’arrêtait pas de marmonner des paroles incompréhensibles. Il se redressa de toute sa hauteur, et ce n’était pas grand-chose, et prit son courage à deux mains. Puisqu’il fallait aujourd’hui affronter son destin, autant y croire jusqu’au bout, et espérer qu’il donnerait un sens nouveau à son existence. Il franchit la broussaille au moment où Sora achevait sa succincte présentation. Une Uchiha, génial, manquait plus que ça, un autre de ces génies… Hibiki prit bien soin de ne pas croiser le regard de Megumi, et pour se faire, tourna délibérément les yeux vers la droite, les lèvres pincées. Il parla presque à contre-cœur…

Hibiki - Je suis Tokai Hibiki, salut à tous.

La jeune fille qui s’approcha darda son regard sur Shin. Il était à peu près de son âge et il n’avait pas l’air si mal. Et voilà, j’avais effectivement une élève qui préférait les affaires de cœur. Sinon c’est moi qu’elle aurait jaugée en premier. J’espérais que cette tendance ne lui causerait pas trop d’ennuis. C’est à ce moment précis que ses yeux se posèrent réellement sur moi et son attitude corporelle se modifia. Tu dois être mon sensei? Tu? Elle corrigea rapidement le tir et passa au vous. Elle adopta une attitude étrange, jouant avec le bout de ses index. Sora mentionna également que le « garçon aux cheveux blancs » l’avait déconcentrée. Elle s’excusa ensuite avant de se présenter. Bon, cette gamine manquait d’assurance, se concentrait d’avantage sur son coéquipier que sa sensei et elle portait un kimono. Fantastique. Je soupirai tout en me retournant pour voir apparaître Tokai Hibiki. Bien sûr, étant une Juunin possédant des capacités sensorielles, je l’avais repéré dès le début. Toutefois, je n’avais rien dit. Ce n’était pas seulement pour que mes autres élèves le repèrent par eux-mêmes, mais aussi parce que je n’osais pas lui demander de sortir moi-même. Voyez, ma relation avec ce Genin était particulière. Plusieurs années auparavant, alors que je passais par là avec Gaishi, nous vîmes un garçon un peu plus jeune que nous être la cible d’une agression, dans les rues de Konoha. Bien évidemment, nous ne pûmes pas passer sans rien faire et, avec l’aide de Gaishi, Tahei et de mon Taijutsu, nous l’avons sauvé. J’avais ensuite insisté pour l’accompagner jusqu’à l’hôpital et j’obtins même de Gaishi qu’il m’aide à payer une partie des frais. En guise de reconnaissance, il m’a dit qu’un jour, il me protégerait à son tour. Cela m’avait touchée, mais surtout, cela m’avait fait penser au serment de Gaishi. Étrangement, ça m’avait attristée. Depuis qu’il avait débuté son entraînement pour devenir un jour chef du clan, j’avais l’impression que les choses n’étaient plus comme avant, ma plus grande peur était de le voir me quitter et je n’évoquais presque plus la promesse, par peur qu’il se sente coupable de s’entraîner pour le bien de son clan. Il devait se concentrer et être au meilleur de sa forme. Mais voilà, ce que ce jeune inconnu m’avait dit m’avait tellement touché qu’en rentrant chez moi, je pleurai une bonne partie de la nuit.

Plusieurs années étaient passées depuis et j’avais toujours du mal à me remettre du départ de Gaishi. Quelques semaines plus tôt, on m’avait demandé de prendre une équipe et c’est alors que son nom me revint en tête. Hibiki Tokai. Ne pouvait-il pas prendre d’élèves à ma place? Il avait presque mon âge, il devait être Juunin aussi maintenant non? Mon supérieur hiérarchique se mit à rire, m’apprenant qu’il était toujours Genin. Cette nouvelle me choqua. Ce garçon qui avait prononcé un serment semblable à celui de Gaishi l’avait trahi également? Avec du recul ce n’était pas comme s’il me devait quoi que ce soit, mais ça ne me plaisait pas. Je demandai donc à l’avoir dans mon équipe. Trop heureux de me voir motivée par quelque chose, il accepta aussitôt. Et nous voilà ici, devant le mémorial. Hibiki sorti de derrière les buissons la mine basse, prenant la peine d’éviter mon regard. Mais pourquoi une telle attitude? S’en voulait-il d’être l’élève d’une femme qui était à peine plus âgée que lui? Quoi qu’il en soit, j’avais d’autres élèves et il fallait avancer dans cette rencontre.

« Nous allons faire un petit tour de présentations. Je passerai en dernier et vous informerai sur le véritable but de la rencontre. Mais pour l’instant, je veux connaître votre nindo, votre affinité si vous la connaissez, vos motivations et vos buts dans la vie et, surtout, je veux savoir pourquoi vous croyez être dignes de mon temps. »

J’espérais très honnêtement les intimider avec ma dernière phrase. Ils étaient des Genins, c’était le meilleur moment pour leur enseigner à ne jamais se fier aux apparences et de ne pas se laisser apeurer. Je voulais leur apprendre à avoir confiance en eux et à se considérer comme des individus importants pour le village de la feuille, que ça plaise ou non aux gens qu’ils auraient à côtoyer. Mais pour commencer, je devais les juger et voir où ils en étaient dans leur cheminement personnel. Malgré le fait que je ne devais pas avoir de favori, j’avais tout particulièrement hâte d’entendre la réponse d’Hibiki.

Bien évidemment, elle ne lui prêta pas plus que cela attention, en apparence. Lui-même ne savait rien du pourquoi du comment de cette équipe, et il se mit en devoir de le découvrir, d’une façon ou d’une autre. En attendant, il n’en menait pas large. Voilà, ils étaient quatre… Hibiki regardait toujours en bas à droite, le menton légèrement replié, le regard boudeur, et la main gauche grattant l’arrière de son crâne, dans une attitude des plus puériles. Le pire, c’est qu’elle ne laissait rien paraître de ce qui pouvait se tramer à l’intérieur de sa tête : elle alla droit au but.

Megumi – Nous allons faire un petit tour de présentations. Je passerai en dernier et vous informerai sur le but véritable de la rencontre. Mais pour l’instant, je veux connaitre votre Nindo, votre affinité si vous la connaissez, vos motivations et vos buts dans la vie, et surtout, je veux savoir pourquoi vous croyez être dignes de mon temps.

Hibiki s’était retenu très facilement de lui couper la parole, alors qu’en temps normal il aurait fait remarquer de façon facétieuse que les présentations avaient déjà été faites. Mais dans sa situation actuelle, il n’esquissa même pas un geste. En fait, il fut davantage mortifié en entendant la suite. Ce visage était une piqûre de rappel des plus désagréables, et les mots étaient un sérum brulant. La rencontre, et c’était évident, servait à créer l’équipe à l’aide d’un premier contact. Cette expérience, Hibiki l’avait déjà vécue, et à l’époque, ça s’était plutôt bien passé. Bon, les choses avaient vite viré au mélodramatique, avec des échecs successifs.

Pour faire simple, il avait un Nindo très difficile à atteindre : devenir suffisamment brillant pour pouvoir protéger cette fille. Sauf qu’elle était assez douée pour devenir Senseï. Quel imbécile il avait été. Mais bon… une parole donnée ne pouvait pas être reprise. Du coup, Hibiki n’avait pas tellement envie de prendre la parole. Son air devint plus grave à mesure qu’il réfléchissait à comment se présenter sans trop se compromettre. Il manquait toutefois de subtilité, et rien ne semblait vraiment adéquat dans sa situation. Son malaise était certainement perceptible par tous les interlocuteurs présents, mais il se ressaisit tout-de-même, pour le besoin des apparences. Trop tard : le Senju le regardait. Ce fut d’ailleurs lui qui prit le premier quart.

Shin – Pour commencer, je crois que je n’ai pas encore trouvé mon Nindo.

Bel aveux. Hibiki cessa de se morfondre pour s’intéresser un peu plus à ses futurs coéquipiers. En tout cas, Sora s’intéressait particulièrement au Senju… Ne pas avoir de Nindo… était-ce possible ? Ne fallait-il pas une motivation profonde pour devenir Ninja et le rester ? Hibiki commençait à se demander s’il continuait pour les bonnes raisons… Il fronça les sourcils.

Shin – Mon affinité est le Doton, ma motivation et mon but sont les mêmes, devenir aussi fort qu’Hashirama et protéger Konoha.

Ambitieux… Restait à savoir s’il se donnerait, lui, les moyens d’atteindre ses objectifs.

Shin – Enfin, je crois que pour l’instant je ne suis pas vraiment digne de votre temps, mais je crois que plus tard, lorsque je serai plus fort, tout ce temps que vous allez avoir passé avec moi le deviendra.

Vlan. Ce type ne manquait pas d’aplomb. Ce genre de personne ambitionnait des choses tellement lointaines par rapport au niveau que lui-même possédait. Probablement un futur Hokage ? Ouais... Fallait sacrément avoir la foi. Cette attitude aurait été louable, si seulement elle s’était accompagnée d’actes, mais Hibiki ne doutait pas que le Senju posséda un certain talent, contrairement à lui.

A vrai dire, il n’avait même pas envie de prendre la parole. Megumi… Il se sentait de plus en plus mal à côté d’elle. Que dire, que faire ? Dire qu’il n’était qu’un raté ? Mon Nindo, être un Genin éternel qui refuse l’effort et la compétition parce qu’il n’a pas la volonté de faire les efforts nécessaires ? Ou une victime qui n’a pas la tâche facile à cause des séquelles d’une croissance perturbée ? Malgré la musculation plus ou moins assidue qu’il pratiquait, son corps restait désespérément frêle. Il était juste souple, un peu agile, et rapide, mais pas endurant, pas fort… Il ne pouvait même pas se prétendre stratège, parce qu’il manquait clairement de logique et d’intuition. Mieux encore, Hibiki ne maitrisait aucun Jutsu, hormis les bases, ne connaissait pas ses capacités naturelles, et ne savait rien faire à part se servir d’armes légères du type Kunaï, Shuriken, ce genre de choses. Il fallait bien compenser son incompétence notoire dans les autres domaines. Il chassa toutefois ces pensées négatives en levant un regard grave vers Sora. Elle allait sans doute prendre la parole juste après Shin. En tout cas, il ne se ferait pas prier pour prendre la parole en dernier… même si au final il se demandait si l’attente n’allait pas complètement bloquer les mots dans sa gorge au moment de passer aux aveux…

Il y avait quelque chose de troublant chez Megumi, estima Hibiki après avoir enfin osé poser le regard sur elle. Elle semblait plus… sombre. Il se rendit compte qu’elle lui faisait presque peur. Il demeura pensif, se disant qu’il devenait de moins en moins prudent de dire qu’il n’avait aucun talent. Il n’écouta qu’à moitié la Uchiha, qui avait un drôle de Nindo, transpirant le complot et la soif de pouvoir. C’était une intrigante, et elle semblait maitriser à merveille les tenants et les aboutissants de sa spécialité : la séduction, puis la manipulation…

Sora - … Au tour du vieux désormais.

Hibiki s’étrangla, toussota en se cognant le torse, les yeux fermés, et le dos à moitié courbé. Il ouvrit l'œil, et ce faisant, lui décocha un regard faussement courroucé, droit dans les yeux, totalement inconscient du potentiel danger que cela représentait face à un Uchiha dont les Sharingan étaient éveillés. Il n’en avait cure.

Hibiki – Mmah, après tout, c’est normal d’enquêter sur ses futurs coéquipiers, je pense…

Lui-même ne l’avait pourtant pas fait. Il se redressa, les yeux toujours mi-clos, puis leva le nez en direction du ciel, qui s’éclaircissait toujours plus à chaque seconde. Son domaine de prédilection, la nuit étoilée, laissait place à une journée qui s’annonçait pénible. Hibiki ignorait d’où lui venait cet amour pour les étoiles et l’obscurité nocturne. C’était dans sa nature. Bien… C’était son tour, inutile de prendre des chemins détournés. La gêne, la honte, ce genre de sentiments, il s’était habitué à les déguiser en fausse fierté.

Hibiki – Alors… Mon Nindo, hein ?

Il fronça les sourcils, et dans un sursaut d’audace, regarda Megumi droit dans les yeux.

Hibiki – Aujourd’hui encore, il reste le même.

Il leva un bras en direction du ciel, d’un air de défi. On pouvait lire un semblant de détermination dans son regard, et il n’était pas feint. Seulement, Hibiki lui-même ne s’en rendait pas vraiment compte. Ce n’était pas comme réciter les fondamentaux de l’utilisation d’un Shuriken, pas une vieille leçon apprise par cœur. C’était presque une prédiction, quelque chose qui résonnait dans un passé lointain, et qui avait attendu ce jour précis pour se faire de nouveau entendre.

Hibiki – Je brillerai plus que les étoiles dans le ciel nocturne ! Pourquoi ? Pour montrer à une certaine personne que je peux la protéger, que je ne suis plus ce fardeau inutile qu’elle a sauvé de la rue il y a maintenant près de dix ans !!

Il baissa son bras, détourna le regard vers le sol, rougissant. Sa voix avait été forte… Il y avait bien longtemps, en fait, qu’il n’avait pas prononcé sa profession de foi. Elle remontait à l’examen de l’Académie… Hibiki sourit, puis se passa la main droite derrière la tête, se grattant légèrement l’arrière du crâne.

Hibiki – Mmaaah, pour le moment. Je ne sers à rien !

Un peu embarrassé, il se souvint de l’ordre de Megumi, et s’empressa d’ajouter quelques détails.

Hibiki – Je suis un peu une imposture dans le monde des Shinobi. Je n’ai aucun talent, ni pour le Ninjutsu, ni pour le Taïjutsu. Je suis tout juste bon à fuir face à la première difficulté venue, et mis au tapis au moindre coup un peu puissant. Ils ont essayé de me rendre plus fort, mais je reste avec ce corps, petit, certes entretenu, mais manquant vraiment de puissance musculaire.

Il soupira, mais poursuivit.

Hibiki – Niveau mental, je suis défaitiste, et je pense que mon retard peut s’expliquer largement par ces deux faits combinés. Je ne possède ni la force, ni l’esprit, ni le ciel, ni la terre. Je ne suis génie, ni travailleur. Et aucun signe de progression notable ne m’a encouragé à comprendre pourquoi je reste un incapable.

Il regarda Sora et Shin.

Hibiki – Contrairement à vous, je fais avec les moyens du bord… Bon, ma condition a bien quelques avantages. Je ne possède pas le Byakugan, mais mes yeux sont entrainés à voir la nuit, si bien que de jour je possède une vision très affutée. Bien sûr, mon temps de réaction en tant que Ninja fait que cette capacité naturelle est presque inutile… De plus, je pense qu’un Uchiha percevra bien mieux les mouvements furtifs, rapides, ce genre de choses… Je suis petit et vif, ce qui est un atout indéniable pour l’esquive. A force de chercher à éviter les coups, j’ai développé une certaine propension pour les réflexes instinctifs… Encore une fois rien de très efficace. Sur le plan théorique, je ne peux ni commander, ni être au cœur d’un combat. Ma seule fonction possible est donc l’arrière-garde, le soutien armé et logistique… Problème, je ne suis pas particulièrement intelligent, donc il m’arrive de tomber dans des pièges évidents, ce qui n’est pas à proprement parler le but d’un tel poste…

L’expérience d’Hibiki en termes de missions lui permettait de développer un peu plus que les autres ses capacités. Présentées ainsi, il prit conscience qu’elles semblaient un peu moins mauvaises que les apparences le montraient. C’était la première fois qu’il voyait les choses de cette façon. Tenir compte de ses points faibles pour trouver sa place ? Une idée à creuser.

Hibiki – Enfin… Sur un plan plus personnel… Je crois que j’ai un peu perdu de vue ce rêve de compter parmi ces Shinobi qui comptent. Réaliser de grandes choses, voyager un peu partout… Je me suis un peu résigné, je crois. Un peu trop.

Il croisa les bras, et regarda de nouveau son modèle droit dans les yeux.

Hibiki – Faire de moi un Shinobi utile et efficace… Je pense que le défi est grand. Je n’ai pas réussi seul… mais en même temps, que peut-on réussir, si on reste dans son coin ? Le travail en équipe, le soutien mutuel. Ce genre de choses qu’on nous apprend à l’académie.

Un ultime sourire… Puis il s’exclama :

Hibiki – Ouais ! Je crois que c’est carrément digne d’y passer du temps !!

Il ne savait pas, de son côté, comment la jeune femme avait évolué. Ce maquillage autour des yeux, ce visage pâle comme la mort, cette apparence lui inspirait une forme de respect teintée de crainte. Quelque chose avait indéniablement changé, et il était curieux de découvrir quoi. Il eut envie d’ajouter quelques mots, mais il préféra les garder pour lui. Il avait l’impression que Megumi s’était perdue, elle aussi, en chemin. Les étoiles avaient choisi de tisser un nouveau chemin pour Hibiki, et il était déterminé à en profiter un maximum. Si ce chemin pouvait lui permettre d’atteindre ses objectifs, alors, ce serait du tout bon. Il ferma les yeux et baissa la tête, donnant un coup de pied dans un caillou qui trainait là. Effronté, immature, incompétent : il avait tous les défauts mortels du Ninja. Mais il s’en fichait, il y avait deux autres moteurs qui le maintenaient en vie et le poussaient à présent à changer de dimension. Ce serait difficile, il en avait conscience, mais… Elle était là.

Et ce simple fait changeait absolument tout.

Une fois mes trois élèves sur place, je leur posai quelques questions qui, selon moi, allaient nous donner les bases de l’équipe. C’était le meilleur moyen pour mettre en place une stratégie d’équipe efficace, connaître ses coéquipiers. Ainsi, comme je m’y attendais, c’est le Senju qui débuta. Je l’écoutai attentivement. Pas de nindo? Au moins son but était louable. D’ailleurs, sa dernière réplique me plut, même si ce n’était toujours pas la bonne réponse. Mais comment le blâmer, moi-même je n’aurais sans doute pas trouvé quoi répondre à un tel sensei sinon : Vous allez le prendre votre temps ou je me trouve un autre sensei. Et ce fut le tour de Sora qui, je dois le dire, m’inquiétait un peu. N’était-ce pas un peu extrême pour une jeune Kunoichi qui ne semble penser qu’à séduire? Et elle pensait déjà à enseigner à ses futurs enfants et à perpétuer son clan. Au fond, peut-être que c’était la façon de faire des Uchihas. Je ne saurais le dire.

Et ce fut le tour d’Hibiki. Lorsqu’il prononça son nindo de façon théâtrale, je restai de marbre. Je pensais qu’il avait oublié sa petite promesse futile lancée dans l’air quand même. Si Gaishi n’avait pas réussi à respecter notre promesse après des années d’amitié, pourquoi ce Genin débarqué de nulle part le ferait? Et, comme pour confirmer ce que je croyais, il dit ouvertement qu’il ne servait à rien. Et il énuméra ses incompétences qui étaient, selon moi, bien trop nombreuses. Il me désespérait. En fait, non, je le méprisais presque. Il avait vingt ans et il était encore un Genin alors qu’à l’âge de douze ans Gaishi s’entraînait déjà jours et nuits pour devenir le chef du clan Jin. Ce type me rendait malade. Et il termina en disant qu’il méritait qu’on s’y attarde. Honnêtement, j’en doutais presque. Mais j’avais quelque chose à enseigner et autant le croire, sinon pourquoi le leur montrer. Bon, continuons cette rencontre.

« Vos réponses n’étaient pas si mauvaises. Je vous demanderai de toujours garder en tête ceci : Chaque habitant de Konoha est un membre de ma famille. Et je les protègerai quoi qu'il m'en coûte. J’imagine que ce nindo vous est familier, surtout toi, Senju-san. Il s’agit du nindo d’Hokage-sama, et j’espère vous l’enseigner durant cet apprentissage qui commence aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, je vous ai dit que je me présenterais également. Je suis Megumi Izuko, Izuko-Taicho suffira. Je pratique le ninjutsu médical, le taijutsu et le genjutsu et j’ai également des habilitées sensorielles. C’est tout que ce vous avez besoin de savoir pour l’instant. »

Puis, je fouillai dans mon sac à dos qui reposait à mes pieds et en extirpai mon bandeau ninja de Konoha no Kuni. Je l’attachai solidement à ma taille, de façon à ce que je puisse voir le nœud. Le symbole de Konoha était donc dans mon dos. Une fois assurée qu’il ne pourrait pas être défait facilement, je me tournai vers mes élèves de nouveau.

« Je vous ai préparé deux tests. Le second est une mission de rang B qui nous attend déjà. Mais la première, c’est de retirer ce bandeau de ma taille sans qu’il ne soit abimé. Il doit demeurer intact. Bonne chance. »

Et, sans attendre leur réaction, j’effectuai une première technique offensive qui me permettrait de disparaître de leur vue et de les prendre par surprise. Des pores de ma peau s’échappèrent des nuées de chakra qui prirent la forme d’une épaisse fumée noire. Cela serait très douloureux, malheureusement. Mais les ennemis qui nous attendaient lors de la mission de rang B seraient bien moins délicats que moi. Plus qu’à voir comment ils se débrouillaient.

Impassible. Hibiki n’avait pas vraiment espéré la faire bouger d’un cil, mais il restait déçu par ce manque total d’humanité. Mais après tout, il n’était pas forcément bien placé pour s’en plaindre. Elle était Juunin, lui Genin. Il ne fallait pas mélanger les chiens et les chats. Le langage était une barrière évidente dans ce genre de situations. Il aurait voulu lui donner du Megumi-Sempaï, du Onee-Sama, une amitié franche, quelque chose de plus affectueux que ce à quoi il avait probablement droit. Après tout, c’était encore elle, cette fille qui l’avait sauvé. Malheureusement, Hibiki ne savait que trop bien qu’il n’y avait aucun motif de satisfaction dans ses capacités. A la dernière question, la véritable réponse aurait probablement été ‘non, je ne suis pas digne de votre temps’. Et de partir. Mais le garçon avait fait son choix. Quitte à subir du mépris, à décevoir, il voulait saisir cette ultime chance de faire quelque chose qui le rapprocherait de son objectif.

Megumi – Vos réponses n’étaient pas si mauvaises.

Sans plus.

Megumi – Je vous demanderai de toujours garder en tête ceci : « Chaque habitant de Konoha est un membre de ma famille. Et je les protègerai quoiqu’il m’ne coûte ». J’imagine que ce Nindo vous est familier, surtout toi, Senju-San. Il s’agit du Nindo d’Hokage-Sama, et j’espère vous l’enseigner durant cet apprentissage qui commence aujourd’hui.

Hibiki fit la moue. Oui, c’était un leitmotiv à Konoha. Protéger autrui, garder cette détermination à vaincre pour la sécurité de tous. La théorie, ça allait. La pratique… Pour Hibiki, ça commençait par sauver sa peau, essayer de vivre le plus longtemps possible. Puisqu’il était interdit de se plaindre dans ce monde, il fallait bien trouver d’autres parades. Au final, il avait un peu trop trouvé son compte dans la solitude et l’ignorance des autres. Les quelques liens superficiels qu’il avait noué ne faisaient pas du reste de Konoha sa famille, en tout cas. Une famille… Cette notion laissait Hibiki dubitatif. Il serra la mâchoire.

Megumi – Quoiqu’il en soit, je vous ai dit que je me présenterais également. Je suis Megumi Izuko, Izuko-Taicho suffira. Je pratique le Ninjutsu médical, le Taïjutsu et le Genjutsu, et j’ai également des habilités sensorielles. C’est tout ce que vous avez besoin de savoir pour l’instant.

Hibiki n’eut pas de réaction apparente. Il ruminait encore la belle leçon récitée par son ‘capitaine’. Une famille ? Ces gens qui t’abandonnent dès qu’ils s’aperçoivent que tu n’es pas aussi fort qu’eux ? Que tu es trop limité pour progresser un jour ? Il avait bien voulu y croire, lui aussi. Mais au fil du temps, on l’avait remplacé dans sa première équipe, car il était un poids trop lourd qui ralentissait la progression des autres. Il avait subi des coups à foison, ‘pour son propre bien’. La voie du Shinobi n’était pas que celle de l’entraide. Elle recelait aussi cette espèce de rivalité et d’esprit de supériorité. Hibiki avait toujours refusé le combat, parce qu’il faisait une à deux têtes de moins que les autres, que frapper ne servait à rien, si ce n’est à envenimer la situation. Cela faisait-il de lui un faible ? Au final, il s’était contenté des miettes, et encore. Personne n’était venu pour lui remettre le pied à l’étrier. Personne n’avait été derrière lui pour lui apprendre à se battre comme un homme. Personne… Non, il avait toujours été seul.

Il mit un terme à ses pensées, mais ses yeux lançaient des éclairs et sa respiration était plus brève. Il reprit ses esprits et constata que la Juunin nouait son bandeau autour de sa taille. Lui-même réajusta sa coiffure et son propre bandeau qui la retenait. La reconnaissance qu’il avait pour cette jeune femme serait éternelle, c’était une certitude. Il n’avait pas pu devenir assez bon seul : il ne lui restait qu’à essayer avec elle.

Megumi – Je vous ai préparé deux tests. Le second est une mission de rang B qui nous attend déjà. Mais la première, c’est de me retirer ce bandeau de ma taille sans qu’il ne soit abimé. Il doit demeurer intact. Bonne chance.

Heiiin ? Une mission de rang B !!?? Hibiki s’éloigna d’un bond de la scène, conscient qu’elle ne leur laisserait pas le temps de cogiter. Ce faisant il ouvrit son étui droit et en sortit sa toute dernière acquisition : le Kunaï Bleu Nuit. Il se servit alors de sa meilleure arme : ses yeux… C’était dérisoire, et il le savait, mais quand il vit des volutes de fumer noire s’échapper du corps du Senseï, obscurcissant tout et l’empêchant de voir correctement, il sut qu’il n’y avait probablement aucune chance de réussir à attraper le bandeau. Seul… Comment se débrouillaient les autres ? Il n’avait aucun moyen de communiquer avec eux, en tout cas.

Il avait réfléchi à tout cela en un instant, ce qui le surprit. Il agissait de façon très différente à ses habitudes… La fumée était partout à présent : il n’y voyait plus rien. Il estima qu’il fallait vite s’en éloigner, mais au moment où il allait bouger, il respira à pleins nez le gaz toxique. La douleur fut instantanée, et terrible. Hibiki faillit tourner de l’œil. Il tomba à genoux, les bras serrés autour du ventre, incapable de quoique ce soit, les yeux exorbités sous l’effet d’une souffrance indescriptible.


L’espace de quelques secondes qui passèrent pour une éternité, il sentit un à un les coups reçus dans son enfance, décuplés. Il était prostré, recroquevillé par terre, plusieurs côtes brisées, un poignet cassé, et un tibia fêlé. Il se protégeait comme il pouvait à l’aide de ses bras.

Hibiki – Arrêtez, j’vous en prie, arrêtez.

Il sanglotait comme un enfant, et chaque instant était la torture d’une vie. Les coups cessèrent, mais il se prit une gifle monumentale. On le jeta par terre, et quand il releva la tête, il vit une maison misérable, une porte qui se refermait, ainsi qu’une silhouette trop familière pour être agréable, et pourtant si lointaine désormais. Quelque chose dans son cœur était sur le point d’exploser, sans qu’il ne puisse dire quoi.

L’instant d’après, il était dans un endroit terriblement sombre. Il portait un casque, une torche, et une pioche. Un homme était là, souriant. Il lui parlait en lui montrant de la roche noire. Hibiki se redressa alors, et la pioche s’accrocha à une aspérité du boyau. Un grondement sourd se fit entendre, et l’homme saisit le garçon sans ménagement, l’emmenant loin de ce qui n’était rien d’autre qu’un véritable désastre. Une grande explosion se produisit, projetant Hibiki dans d’autres galeries. Quelques minutes après, on le sortait de ce couloir de la mort.


Le garçon se prit la tête entre les mains, puis hoqueta et vomit. Quel malaise… Il fallait qu’il reprenne peu à peu consistance, et la colère allait l’aider. A genoux, les bras tendus devant lui, il avait la tête basse. Il regarda son arme, toujours dans sa main droite, pas très utile face à ce genre de Jutsu… Que cherchait-elle avec une attaque pareille ? Lui en tout cas était impuissant pour la contrer.

Il fallait réfléchir, et ce n’était pas vraiment son fort. Que faire dans la situation actuelle ? Ce Jutsu, il ne pouvait pas l’éviter, visiblement, à moins de s’éloigner suffisamment pour ne pas être dans son champ d’action. A vrai dire, ça lui convenait parfaitement, s’éloigner. C’était sa façon d’envisager un combat, en fait. La Uchiha, avait-elle pu déjouer le Jutsu ? Si c’était une illusion, il y avait une chance pour que ce soit terminé. Dieu, qu’il aurait aimé connaitre une ou deux techniques. Il pressentait qu’il y aurait une potentielle ouverture.

Il s’extirpa de la zone qu’il pensait être celle de l’étendue maximale de la fumée. Il vit le Senju, atteint, mais pas spécialement démotivé au combat. Bon point pour lui. Par contre, Sora était au sol, visiblement inconsciente. Et là, Hibiki fit quelque chose qu’il n’avait jamais fait auparavant… Instinctivement, il envoya une salve de trois Shuriken en protection autour de sa coéquipière : un tir de barrage. Megumi était toujours hors de vue…

Hibiki – Shin ! Emmène-la à l’écart du combat, et reviens vite, on va devoir y aller à deux !

Allait-il obéir? C'était une autre question. Son instinct se moqua de lui-même : tu vas faire quelque chose d’inutile, disait-il. Ce n’était pas loin de la réalité, en fin de compte.

Hibiki – Bon… Je vais essayer de gagner du temps…

Il aviserait le moment venu de la marche à suivre. Il ignorait pourquoi, mais son énergie semblait s’écouler en lui de façon beaucoup plus paisible que d’habitude. Il se sentait différent, à l’aise, facile dans ses mouvements. Vif et alerte. Le garçon eut alors une idée audacieuse…

Hibiki – Bunshin no Jutsu. Henge no Jutsu.

Transformé… Il se releva, et tendit la main à son double, dans une scène qui avait comme un air de déjà-vu. Amoché, presque incapable de parler, le faux Hibiki avait le regard torve. Megumi, jeune et agile, se tenait à ses côtés, souriante, la toute première main secourable de sa misérable vie. Il jouait son rôle à la perfection, et, se tournant vers celle qui était elle-même adulte, il lui adressa un regard lourd de reproches. « Qu’as-tu fait ? ».

Hibiki (de sa voix féminine) – Oui, qu’as-tu fait ? Tu ne me ressembles pas. Tu es moi, mais je ne me reconnais pas dans ton image. Ni dans ta façon d’agir, d’être, et peut-être même pas dans ta façon de penser.

Le clone s’effaça quand Hibiki fut certain qu'elle avait bien observé et intégré la scène. Le garçon se mit à marcher sous cette apparence. Dans sa direction, elle qui ne laisserait sûrement pas avoir par son aspect. Néanmoins, le côté psychologique de l’expérience pouvait avoir un effet déstabilisant. Et c’était sur ce coup de bluff que le Genin était en train de jouer. Dans sa tête, les informations et les pensées déferlaient à toute vitesse. Il n’avait jamais été aussi calculateur, aussi audacieux. C’était une nouvelle dimension. Une dimension révélée par le choc émotionnel subit à cause du Jutsu de la Capitaine Izuko. Son modèle. Hibiki sentait que quelque chose clochait. Il n’apprendrait pas immédiatement quoi, mais il lui fallait exploiter cette faille potentielle. Quitte à le payer très cher. Son poing se serra, ses yeux furent clos. Face à soi-même, on se voit souvent faire le pas. Comment réagirait-elle ? Et Shin, comment verrait-il la situation une fois de retour au combat ?

Hibiki avait besoin d’un plan, et vite. Une stratégie pour obtenir ce qu’il voulait : le bandeau, intact. C’était son premier test. C’était l’occasion de se montrer digne de cette femme. Au moins en tant que Ninja.

Spoiler:

Un épais nuage de fumée se dispersa tout autour de moi, affaiblissant mes élèves dès le départ. Je devais les habituer à ne pas être traités comme ce qu’ils étaient. Là-bas, ils ne seraient rien de plus que du gibier. Bons à faire rôtir dans une forge ou à assassiner d’un grand coup de katana. Je ne leur ferais pas de faveur, surtout pas à Hibiki. Lorsque la fumée commença à se dissiper, je pu voir Sora étendue au sol. Le vieux demanda à Shin de l’évacuer et eu la brillante idée de faire un tir de barrage. Je ne faisais pas dans le longue distance, mais en d’autres circonstances c’eut été une idée brillante. Ainsi, il continua ses manœuvres et je le laissai faire. Il créa un clone et, d’une transformation, pris mon apparence. Pas mon apparence présente, non. Celle que j’avais eu plusieurs années plus tôt, lorsque je l’avais sorti de la rue. À l’époque, je ne portais pas encore de maquillage d’ailleurs. Je le regardai faire son petit numéro de haut, souriant presque. Il pensait quoi? Que je n’étais pas heureuse avec la personne que j’étais devenue? Bon, autant le ramener sur terre. Ce ne devait même pas être un Genjutsu et il pensait perturber un Juunin entraîné avec si peu? Bon, étape supérieure.

*Oh! C’est moi ça Megu-chan, non?! L’étape supérieure c’est moi!! Aller, laisse moi leur faire un peu de mal!*

*Calme toi Hisshi, rien de plus que l’immobilisation contre eux. Je veux leur faire peur et les préparer, pas les annihiler.*

*Pff, t’es pas drôle Meg-meg!!*

Je ne laissai même pas à Hibiki le temps de finir son petit monologue. J’effectuai des mudras que je connaissais par cœur depuis des années maintenant. Beaucoup croiraient que je faisais une erreur en leur montrant mon arme. Mais, quant à moi, c’était le meilleur moyen de les tenir à une certaine distance sans trop les blesser. Au terme de mes signes, une magnifique arme entièrement noire, brillant au soleil, apparu dans mes mains. Une immense faux de deux mètres de haut, Hisshi no kyouki. Et, sans plus de cérémonie, j’effectuai un grand arc de cercle pour atteindre Hibiki. Une offensive simple, classique. Mais, ses réflexes avaient toujours été lents et la surprise devant une arme aussi impressionnante qu’Hisshi allait sans doute le paralyser une bonne seconde, soit à peu près le peu d’avance que j’avais besoin d’avoir sur lui. Il restait encore l’hypothèse que le Senju puisse intervenir. Dans tous les cas, une personne se faisant atteindre par un coup d’Hisshi était déstabilisée. En plus d’être tranchante comme la mort, sa particularité consistait dans sa capacité à arracher une partie de l’âme de la victime, un peu plus à chaque coup. Se faisant, leurs réserves de chakra s’amenuisaient coup après coup. Je vous laisse imaginer le choc lorsqu’une part de votre âme est tranchée, arrachée, souillée. Dans tous les cas, ce Genin comprendrait que ce n’était pas avec ses jeux de clones qu’il allait m’attendrir, loin de là.

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Décisif. Ce face à face entre les deux entités qui représentaient d'un côté l’innocence bienveillante, de l’autre le mystère obscur et apeurant n’allait rien révéler d’extraordinaire sur l’écart de niveau entre les deux protagonistes. Hibiki ne le savait que trop bien. Des coups, il avait l’habitude d’en recevoir… Il était plus doué pour ça que pour se dépêcher de mettre quelqu’un à l’abri. Et puis même, il sentait que c’était à lui de faire face. Pourtant, il se dérobait encore. Il ne faisait pas face lui-même, mais par un subterfuge des plus faciles à écarter. Gagner du temps ? Ou bien lui hurler à la figure « Regarde-moi, j’existe encore, si nul que je puisse être !! ». Pour la première partie, c’était raté, même si elle s’était totalement désintéressée du Senju. Un peu trop au goût du Genin, en fait, puisqu’il constata qu’à mesure qu’il s’approchait, les intentions de sa Sempaï le concernant devenaient très claires.

Il avala péniblement sa salive et jeune-Megumi fit tournoyer le Kunaï de Nuit à l’aide de son index et de son majeur. En face, c’était une arme autrement plus impressionnante qui avait fait son apparition. Il n’aurait su dire si la jeune fille que fut Megumi possédait une telle arme au moment de son sauvetage. Toujours est-il que son apparence était maléfique. Etait-ce ça, la part d’ombre qui animait la femme ? Peut-être. Bon… Puisqu’il fallait aller au charbon… Au moins, cette arme était difficile à manier, espérait-il. Il pouvait peut-être esquiver s’il anticipait bien les mouvements. Peut-être, encore une fois. Hibiki laissa de côté les questions et les hésitations : il chargea.

Le garçon se trouva très vite à portée de l’allonge de l’arme, qui se balança en un grand arc de cercle visant à l’atteindre dans la continuité de son mouvement. Il stoppa sa course et se fendit en arrière, profitant de l’élan impulsé pour reprendre équilibre sur sa main libre et faire basculer son poids vers l’arrière, retombant ainsi sur ses pieds. Il ignorait tout de l’intervention salvatrice de son nouveau coéquipier, et quand il retrouva le sens habituel du ciel et de la terre, il sut que sans son aide, le tour suivant l’aurait atteint. Il était bien trop lent malgré toute sa bonne volonté.

Shin était donc intervenu entre Hibiki et la certitude de se faire découper en partie ou non par la Faux… L’arme était en contact léger avec sa peau, ce qui laissa une arrière-pensée d’effroi au Genin, sans qu’il sache exactement pourquoi. Des frissons lui parcoururent la nuque quand il vit le Senju chanceler sous ce contact maudit. Le gain de temps était un échec total. Hibiki n’avait pas le choix, il fallait reculer. Pour mieux sauter ensuite. Encore une décision stupide, encore une erreur fatale, pas pour lui cette fois, mais qui avait peut-être coûté cher à un camarade. Il mettait son équipe en danger.

Hibiki – Hey, Shin, tiens le coup !

Il saisit son allié par l’aisselle et le traina à distance respectable, espérant qu’il allait vite reprendre ses esprits. Ils n’allaient pas avoir le temps de se préparer. Elle allait de nouveau attaquer. Que faire ? Sora était hors du coup. Shin s’était sacrifié pour lui. Pour son idée stupide. Que pouvait-il faire ?

Assumer… ?

Hibiki – Comme je le pensais, tu n’y vas pas par quatre chemins…

Il avait dit cela en allongeant rapidement son nouveau collègue, puis en ‘la’ regardant brièvement. Il n’eut pas vraiment le temps de voir ce qu’elle préparait, mais lui-même se mit en garde accroupie, Kunaï en main, prêt à tenter l’esquive, en protection devant le Senju. Il fallait étudier les mouvements de cette arme inhabituelle pour apprendre à la contrer… Rester en déplacement constant pouvait être une solution, mais cela le fatiguerait trop vite. Il n’avait pas assez de physique pour tenir un tel rythme pendant assez longtemps pour trouver une parade.

Hibiki – On est déjà tous hors de combat, ou presque. Alors vas-y, déchaîne-toi. J’vais faire de mon mieux, alors lâche-toi !

Avait-elle besoin qu’il lui dise pour le réduire en miette à l’aide de son seul auriculaire ? Il ne pensait pas. C’était trop pour lui. C’était une expérience terrifiante, être confronté à un pouvoir supérieur et se retrouver à cours de solutions. Tout ce qu’il pouvait espérer, c’était résister le plus longtemps possible. Eviter les coups, rester en mouvement, contre-attaquer lorsque c’était possible. Mais en était-il capable ? Avait-il la lucidité et la science du déplacement nécessaire pour le faire ? A sa connaissance non. Mais il s’en fichait. Quitte à se faire dérouiller, il voulait offrir un long duel. Ou une lente agonie. Il voulait l’impressionner, même s’il savait pertinemment qu’il était né pour ça, se faire rouler dessus par tout le monde.

*Shin, dépêche-toi de reprendre tes esprits.*

Et d’attendre l’assaut, toujours sous l'apparence d'une jeune fille apeurée… Au lieu de la sienne.

Spoiler:

Mon coup de faux n’atteignit pas sa cible, mais bien Senju-san. Il le bloqua de ses poings américains avant de chanceler sous la puissance d’Hisshi no kyouki. Il avait été courageux, prêt à tout tenter pour protéger son coéquipier. C’était quelque chose que je respectais beaucoup chez un ninja. Gaishi l’avait déjà fait pour moi, il s’était jeté dans un infernal brasier et m’avait sauvé la vie. Hibiki intervint alors, arrachant Shin au contact dévastateur de ma lame. Toujours sous mon apparence, il faisait ce qu’il pouvait. Il me regarda et me dit que je n’y allais pas par quatre chemins. J’allais parler, mais dans son empressement pour le bavardage, il continua sur sa lancée. Il me dit qu’ils étaient déjà presque tous hors de combat et que je pouvais bien me déchaîner, il me dit qu’il ferait de son mieux.

« Alors pourquoi trembles-tu ainsi? Tu dissimulant derrière le masque d’une fillette que tu ne connais même pas? C’est le mieux que tu peux faire? Vingt ans et incapable de te départir de ce fantôme? Ce n’est pas faire de ton mieux, c’est faire tout pour oublier qui tu es réellement. Parce que tu demeures convaincu que tu ne vaux rien. Tant et aussi longtemps que tu traineras dans mon ombre et que tu ne t’assumeras pas, tu ne pourras pas faire de ton mieux. Pour cela, tu dois te départir de cette idée préconçue et vivre pour qui tu es vraiment. En attendant, tu es le seul ici à être indigne de mon temps! Le combat est terminé.»

Et, sur ces mots, je désinvoquai Hisshi. Intérieurement, je savais que je venais de l’achever. Allait-il se laisser abattre ou m’exploser en plein visage? Je n’avais plus qu’à attendre pour le savoir. Une fois cela réglé, je pourrais passer à la prochaine étape de notre rencontre. Leur faire réaliser leur faiblesse et l’importance du groupe. Ils avaient bien coopérer jusqu’à maintenant, c’était un bon signe. Pour ce qui était de leurs capacités martiales, ils n’avaient que très peu de chances contre moi. Bien heureusement, ce n’était pas ça le test. Le vrai test, ils l’avaient réussi dès le départ en protégeant Sora. Je jetai un œil à Shin pour m’assurer qu’il allait bien, ce qui était certain puisque le contact avec ma lame avait été rompu. Puis, je reportai mon attention sur Hibiki, attendant de voir comment il réagirait. Bien évidemment, je conservai un air acide et hautain.

Désabusé ? Hibiki attendait simplement que l’orage se rassemble et vienne le découper en rondelles isométriques. Rien ne l’avait préparé à subir de plein fouet son propre choix stratégique. Il avait tenté d’utiliser du subterfuge, des mots, le mental pour déstabiliser l’adversaire, et ce fut par la vérité, d’autres mots, le mental encore qu’il fut littéralement brisé, haché-menu, broyé, aplati. Elle ne fit preuve d'aucune pitié. Et pourtant… au bout du tunnel, il y avait encore une lumière.

Megumi - Alors pourquoi trembles-tu ainsi? Te dissimulant derrière le masque d’une fillette que tu ne connais même pas? C’est le mieux que tu peux faire? Vingt ans et incapable de te départir de ce fantôme? Ce n’est pas faire de ton mieux, c’est faire tout pour oublier qui tu es réellement! Parce que tu demeures convaincu que tu ne vaux rien. Tant et aussi longtemps que tu traineras dans mon ombre et que tu ne t’assumeras pas, tu ne pourras pas faire de ton mieux! Pour cela, tu dois te départir de cette idée préconçue et vivre pour qui tu es vraiment! En attendant, tu es le seul ici à être indigne de mon temps!

A chaque mot prononcé, à chaque vérité rendue, quelque chose se brisa en lui. Il ne pouvait rien répondre. Toute sa vie, il avait eu la conviction que rien de ce qu'il pouvait entreprendre réussirait. Pourquoi? Parce qu'il était né faible. Et négatif. Dès le plus jeune âge c'était un garçon peureux, que même son ombre faisait sursauter. Il avait appris l'art de la débrouille, sans grand succès, et aurait pu mourir si cette femme ne l'avait pas remis dans le droit chemin. Tout ce qu'il avait voulu, c'était suivre ses traces, devenir aussi fort qu'elle, et briller, pour un jour être capable de lui montrer qu'il était devenu un Shinobi digne de ce nom.

Il savait depuis longtemps qu'il pataugeait dans le vide. Ses efforts n'étaient pas couronnés de succès, alors avec le temps, il avait lâché prise. Le souffle court... La panique au ventre... Oui, il avait appris à ignorer ces avertissements. Il avait feint l'indifférence, pendant tout ce temps. Jamais prêt à temps pour ce face-à-face. Il avait toujours accusé le mauvais sort... Son physique le rendait vulnérable au plus haut point. Il n'avait jamais exercé son esprit et ne connaissait rien à la stratégie, à la psychologie d'un combat. Il vivotait sans croire en quoi que ce soit. Un sous-fifre résigné, voilà ce qu'il était devenu. Le pire, c'est qu'il en avait eu conscience, et que cette réalité le révulsait.

Où étaient passées ses belles convictions? Les mots sonnaient creux, malgré toute la volonté et la fausse bravoure qu'il affichait en les prononçant. Devenir assez fort pour lui en mettre plein la vue... Cette promesse de gamin teintée d'admiration s'était peu à peu transformée en idéalisation. Megumi-Sempaï était devenue pour lui l'archétype du bon Shinobi, un modèle à copier, égaler, et si possible dépasser. Elle avait raison... Il n'avait jamais cherché à se construire d'identité. Il l'avait subie: 'Le Tocard de service'. Arrogant et incapable, un cocktail fatal pour bien des ambitieux...

Megumi - Le combat est terminé.

L'arme fut dématérialisée. Hibiki était anéanti. Et pourtant...

Comme les morceaux d'un puzzle en train de s'effondrer, son apparence juvénile et féminine se dissipa, le révélant de nouveau. Oui, l'orage était passé. Il n'y avait aucune tristesse dans son regard, aucune résignation. Son expression se fit optimiste. Oui, après tout, ça ne pouvait pas se passer autrement: c'était logique qu'elle lui dise tout cela! Il s'y était attendu, y était allé à reculons, et maintenant, c'était fait. Le Destin avait encore joué un tour au Genin, et l'avait de nouveau placé sur la voie royale. Cette chance, il ne comptait toujours pas la laisser passer, peu importe ce qui arriverait. Il pouvait très bien être faible, et pourtant affronter et vaincre les plus grands. Pourquoi?

Le Nindo de Hibiki changea donc, grâce à cette nouvelle rencontre. Mais il restait lui-même, et des années d'habitude de vies n'allaient pas disparaître comme par enchantement. Par contre, Shin se permit une apparition magique, lui, mais cela ne surprit pas outre mesure le Genin, déjà largement remué par le combat et les paroles échangées.

Shin - Alors là, j’ai besoin d’explications! Premièrement, pourquoi on arrête le combat? C’est à cause de vos vielles querelles? Car oui j’ai cru comprendre que vous vous connaissez et que vous n’avez pas l’air de bien vous apprécier! Alors?

Son état était rassurant, et Hibiki rit intérieurement de son sens de la déduction, qui semblait pourtant lui faire défaut au préalable. Apparemment, Shin avait lui-même progressé au cours de l'affrontement. De là à dire que lui et Megumi ne s'appréciaient pas, il y avait peut-être un pas supplémentaire à franchir. Le temps passé les avait assurément éloignés l'un de l'autre, tant en termes de caractère que de style de vie. Il regarda sa capitaine droit dans les yeux, conscient qu'elle n'avait probablement pas plus de respect pour lui que pour un ver de terre. Ce faisant il mettait temporairement le Senju à l'écart. Mais il se promit de lui fournir davantage d'explications... Son regard se fit plus dur.

Hibiki - Shin-kun, on en parlera plus tard, si tu veux bien... Et il y aura bien d'autres occasions pour se battre.

Le Taichou avait prit une décision, et il était inutile de revenir dessus. Il était loin le temps de l'enfance innocente. L'adolescence aussi semblait s'éloigner de lui. Il fallait quitter cette carapace, cette fausse sécurité... Déployer ses ailes pour atteindre les étoiles.

Hibiki - Ouais... je t'ai pas attendue pour savoir que j'étais indigne de ton temps. Je ne sais pas ce que tu comptes faire, me virer, me garder. Cependant... Ne compte pas sur moi pour abandonner.

Il se releva, rangea sa propre arme, et décida de ne plus parler à moins qu'on l'y invite. Il méditait à ce don caché de Megumi-Sempaï. Se forger lui-même, non pas en l'imitant, mais avec sa propre identité... Oui. Il fallait qu'il en fasse l'expérience... Mais pour l'heure, il était juste en colère après toutes les années d'attente futile et d'inaction. Il était en colère après lui-même. Il s'était mis hors de portée de celle qu'il avait admiré depuis cette époque bénie de leur rencontre. Remonter la pente serait difficile... Mais après tout, leur combat était déjà une source d'enseignements à part entière.

La façon qu'il avait eu d'agir... C'était... Différent de ce à quoi il s'était habitué. Espoir.

Lorsque j’eus fini mon petit discours, Shin s’emporta. C’était tout à fait légitime. D’ailleurs, si j’avais été à sa place, j’aurais demandé des explications bien plus tôt. Mais bon, il est vrai que j’avais la langue bien pendue et ce, depuis longtemps. Hibiki décida de lui répondre le premier, c’est qu’il aimait me couper la parole celui-là. Il se tourna ensuite vers moi pour la rengaine habituelle que je n’écoutai presque pas. Mon regard d’azur c’était posé sur Sora, toujours inconsciente à l’écart du combat.

« Ce n’est pas si long que ça. Je l’ai sauvé d’une bande de racailles il y a plusieurs années et je me suis occupée de lui à l’hôpital. Un mois après les faits, je l’avais oublié. C’est lui qui a choisi de faire une fixation sur moi, fin de l’histoire. »

Sans doute était-ce cru et blessant pour Hibiki, mais je m’en fichais. J’avais bien d’autres chats à fouetter. Je m’approchai de Sora et la pris sur mon épaule. Toujours inconsciente, la pauvre aurait besoin de soin le plus tôt possible. Je me tournai ensuite vers mes élèves.

« Le test visait à voir votre habilité à travailler en équipe et à vous couvrir une fois que nous serons à Kusa no kuni. De plus, je voulais vous faire peur, vous faire comprendre que vous pourriez mourir là-bas à tout moment. Vous avez réussi, c’est tout ce qui compte. Vous avez une semaine complète pour vous préparer et vous entraîner. Vous devrez également rafraîchir votre stock d’équipement. Nous nous retrouverons ici même dans sept jours, à l’aube. Nous partirons sans délais alors pensez à dire au revoir à vos familles. Sora ne nous accompagnera pas, si vous connaissez un Genin compétent, il y a une place de libre dans l’équipe 1. Le cours est terminé. »

Sur ce, je leur tournai le dos et m’apprêtai à quitter le mémorial des héros. Toutefois, je demeurais leur enseignante et, s’il avaient quelque chose à rajouter, je les écouterais et leur répondrais avant de partir.

Megumi avait donc décidé de dire rapidement de quoi il retournait... C'était difficile de la jauger, elle. Après tout, ces retrouvailles n'étaient pas forcément du goût du Genin. Elle avait évolué totalement différemment de ce qu'il avait imaginé. Bien sûr, elle était forte: ni lui ni Shin, ni tous les deux ensemble, n'auraient probablement une chance d'obtenir le bandeau. Mais bon, il semblait que c'était un faux but, au final. Alors quoi, le test était réussi? Sora était hors de combat, pourtant...

Hibiki ne comprenait pas grand chose aux objectifs de son Taïchou avec ce test avorté, mais quoiqu'il en soit, les mots prononcés étaient durs pour lui. Il ne garda aucune rancœur, mais se jura de trouver un moment pour lui parler en privé. S'il en avait seulement le courage. Megumi-Sempaï s'en fut alors, déclarant que Sora ne faisait plus partie de l'équipe à ce jour: des soins devraient lui être prodigués. Mouais, c'était pas ses affaires à lui. Il adressa un regard à Shin et le salua brièvement d'un hochement de tête.

Voilà, il était seul au Mémorial. Il fallait qu'il évacue un peu toute la rage qui bouillonnait en lui... Il fallait franchir un nouveau pallier. Il avait tout l'après-midi pour analyser cette matinée mouvementée et se préparer pour l'avenir.

[Je fais court pour clôturer, mais il n'y a plus grand chose à ajouter: les développements psychologiques de Hibiki par rapport à cette journée sont déjà traités dans le topic avec Amara (rencontre), celui avec Shin (entrainement), et celui avec Meg (rencontre).]