À croire que cette fichue lettre n’arriverait jamais. Et pourtant, j’entendais ceux de ma promotion se venter de leur nouvelle équipe. Pourquoi n’en avais-je pas? La réponse qui me venait en premier était que personne n’était au même niveau que moi dans ce que je faisais dans ma promotion. Ils ne voulaient donc pas ralentir mon potentiel en me greffant à un groupe de Genins qui ne ferait que nettoyer les rues et laver les vitres. C’était l’explication la plus plausible, bien que socialement inacceptable. On me jugerait arrogante pour avoir de telles pensées, bien qu’elles fussent sans doute la stricte vérité. Je patientais donc encore et toujours, depuis trois jours maintenant. Et l’on cogna à ma porte. C’était inattendu et tout à fait réjouissant. Je fis coulisser la porte pour me retrouver face à un grand homme aux cheveux bruns, habillé comme tous les autres Chuunins de Konoha no kuni. Sous son bras, il tenait un dossier. Il baissa la tête en guise de salut respectueux et je fis de même. Nous nous saluâmes en ninjas égaux, bien que son grade soit supérieur au mien.

« Matricule 096L32, nom de code Rei. Ravi de faire votre connaissance, matricule 124C41. Vous avez choisi un nom de code pour votre travail officiel dans le département des renseignements? »

Je fis non de la tête et il porta sa main à son menton, légèrement embêté. Il serait bien trop long de m’appeler par mon matricule en mission. Car pas besoin d’être un Nara pour savoir que ce document sous son bras devait être un ordre de mission. Ainsi c’était officiel, je n’aurais pas d’équipe, mais j’intégrerais le département des Renseignements. Il semblerait que je ne me sois pas trompée. Dans tous les cas, je devais trouver un nom de code, et sans plus attendre.

« Sen’yuu »

Possession. Ça m’allait bien, non? Il s’agissait après tout de ma spécialité. Il avait sans doute choisi Rei car c’était très courant au final de voir des gens prétendre à ce nom pour illustrer le fait qu’ils passaient toujours inaperçu. Mais vu la taille de cet homme, s’il l’avait choisi, alors ce devait être qu’on ne le voyait vraiment pas. Sinon impossible de le manquer. Il me tendit le dossier et je l’invitai à entrer. Je l’ouvris pour découvrir cette fois deux photos ainsi que leurs noms et leurs antécédents. Je relevai ensuite les images pour voir l’ordre de mission. À eux deux, ils étaient considérés comme une menace de rang D? Ce serait ennuyeux alors. Je poursuivis ma lecture. Ainsi ils attaqueraient sans doute sous peu et il était de notre devoir de les en empêcher et de les ramener bien à l’abri dans les cellules de Konoha no kuni. Si on m’avait demandé de participer, c’est sans doute que certains hauts placés avaient jugés mes dons de Yamanaka nécessaires au bon déroulement de la mission. La présence de Rei devait s’expliquer par l’état dans lequel je laissais mon corps en le quittant. Il serait là pour me protéger et m’assister. Tout était plutôt clair. Je me tournai vers lui et posai la seule question à laquelle j’étais incapable de répondre.

« Quand partons nous? »

**

Ils marchaient dans la forêt entourant Konoha depuis longtemps maintenant. Les talents sensoriels de Rei nous avaient permis de les retrouver en un rien de temps. Première étape, les empêcher d’atteindre le village de la feuille. J’effectuai donc un genjutsu, le Kori sinchuu no jutsu. Avec ça, ils en avaient pour des heures à tourner en rond. Plus qu’à attendre le moment propice pour en posséder un et se servir de cela pour mettre l’autre hors d’état de nuire.

Rei et moi demeurèrent dissimulés, sans dire un seul mot, pendant trois heures. Trois longues heures à les regarder marcher. Si je n’avais pas tant aimé ce que nous nous apprêtions à faire, je me serais sûrement ennuyée, et pas qu’un peu. Et, enfin, l’un d’entre eux manifesta le besoin d’aller se soulager. Nous échangeâmes un regard, avant de bouger silencieusement pour nous rapprocher de notre cible. Il était si las et fatigué que la possession se fit sans aucun heurt. Je m’assurai que Rei se dissimulait bien avec mon corps et refermai la braguette de mon possédé du moment. Puis, je fis un inventaire rapide de ce qu’il portait sur lui. Qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris un poing américain, fabrication Konoha. Ça n’avait rien d’étonnant si l’on prenait en compte le fait qu’ils avaient déserté ce même village. Toutefois, les lames étaient parfaitement intactes, comme si elles n’avaient pas encore servi. Serait-ce mon trafiquant d’armes qui aurait réussi à leur en vendre? Je n’aimais pas ça, et c’était une raison de plus d’appréhender ces deux individus.

Comme j’observais ces types depuis trois heures, reproduire certains de ses tics et de ses petites manies s’avéra plus aisé que je ne l’aurais cru au premier abord. Je marchai donc nonchalamment vers son compagnon qui était rageusement plongé dans l’étude de sa carte. Il vociférait et fini par la lancer au bout de ses bras avant de me regarder avec un air furieux.

« Je t’avais bien dit qu’il ne fallait pas passer par ici! À quoi tu pensais hein? »

Je soupirai avant d’aller chercher la carte, plus loin sur le sol. Je l’examinai en me grattant la tête.

« Pourtant j’en suis certain. Je ne comprends pas. Un village ninja ça ne disparait pas comme ça, si? »

Il haussa les épaules. Découragé.

« Bon aller, allons par là et puis si on n’y arrive toujours pas alors, eh bien… »

Il me jeta un regard de mépris. Il en avait marre et c’était évident. Il commença à se plaindre à voix haute de tous les problèmes que le duo avait rencontré récemment et je me fis un plaisir de l’écouter, tout comme Rei devait le faire quelque part dans les arbres.

« Et puis ce fichu Raito, tu te rends compte qu’on s’est fait avoir comme des bleus sur ce coup? L’autre Genin là, il lui à servit à rien. C’est grâce à nous qu’il les a eu ces armes. Et on à quoi? Moins de 1%! J’te jure moi, quand on le reverra après avoir fait ce qu’il nous demandait à Konoha, je vais lui en arracher de l’argent à ce sale…. »

J’approuvai énergiquement, commentant à quel point les frais de voyages avaient été élevés pour ce rendre jusqu’ici depuis le pays du Thé. Il s’agissait d’une information que j’avais obtenue du Genin interrogé par mes soins quatre jours plus tôt. C’était une belle occasion de voir s’il avait menti ou pas. L’autre acquiesça simplement avant d’ajouter qu’il boirait bien du saké et que c’était complètement idiot qu’ils n’arrivent pas à atteindre leur propre ancien village. Très idiot en effet. J’ajoutai un commentaire sur comment « nous » étions traités au pays du thé. L’autre continua. J’appris donc la région où les têtes-pensantes semblaient avoir élu domicile, au village près. Et nous n’avions sans doute pas grand-chose d’autre à tirer de ces gars, ils étaient bien trop bas dans l’échelle du groupuscule revendeur d’armes. C’était donc l’occasion de soumettre le non possédé et de les ramener tous les deux au village où ils seraient jugés.

Fatigué, l’homme décréta qu’il voulait se reposer et peut-être même piquer un somme avant de repartir. C’est qu’il faisait tout à ma place on dirait. Je n’eus plus qu’à attendre que ses paupières deviennent lourdes pour m’approcher de lui et le ligoter à l’arbre. Il recommença à crier et à m’insulter, se débattant comme un beau diable. C’est le moment que choisi Rei pour faire son apparition, mon corps sur l’épaule. Je m’assis pas terre et attachai ensemble les pieds de mon possédé. Je regardai ensuite Rei, il était prêt. Libération!

J’étais un peu étourdie et il me fallut quelques secondes pour revenir complètement à moi. Lorsque ma vision se fut éclaircie, je pu admirer un Rei triomphant qui avait réussi à maîtriser le complice de la langue bien pendue. Il me sourit.

« Beau travail Sen’yuu. Ces informations intéresseront sans doute nos supérieurs. Je m’occupe de les porter si tu remplis le rapport? »

J’acceptai avec joie et nous franchîmes le demi-kilomètre nous séparant de Konoha. Pauvres criminels, dire qu’ils étaient presque arrivés à destination.