Il m’avait porté un bon moment avant de me laisser courir par moi-même. Puis, nous avions continué notre course et il n’avait pas fallu longtemps avant que Gaishi ne s’enrage. Lorsque nous nous étions rencontré pour la première fois, j’avais eu un avant-goût de sa relation avec le loup. Ils avaient l’air si proches, si amis. C’était un lien semblable à celui que les Inuzuka de Konoha entretenaient avec leur bête, c’était évident. Et, maintenant, il l’avait perdu. Il l’avait perdu parce qu’il avait préféré me sauver la vie. S’il y avait un homme bon sur cette terre, s’il y avait un homme juste que je devais épargner, voir protéger, c’était lui. Il ressemblait tant à Souji. Ce simple petit fait avait changé ma vision des choses et ce, dès le tout début de notre rencontre. De plus, à cause du lien que j’avais créé avec mon chakra, je sentais jusqu’à son énergie se tordre de cette douleur sourde que cause la mort d’un être cher. Leur lien était immense. C’était un lien que je n’arriverais jamais à comprendre ou à expérimenter avec quelqu’un. J’aurais été jalouse si ça m’avait importé d’avantage. Je restai silencieuse. J’avais assassiné le dernier homme chagriné qui s’était tourné vers moi, alors autant ne rien faire cette fois ci.

Finalement, il me fit signe de m’arrêter. C’est donc ce que je fis. Puis, d’un ton grave, il me fit une sorte de discours d’excuse. Certains des nôtres nous avaient abandonnés, il me considérait donc déjà comme une membre de l’organisation alors. Ce n’était pas si surprenant s’il avait été jusqu’à me sauver la vie. Il me dit alors que si je souhaitais faire demi-tour, il comprendrait et qu’il n’était pas trop tard, qu’il serait le seul à savoir que j’avais eu des informations sur l’organisation. En même temps, ce n’était pas comme si j’avais su grand-chose pour l’instant. Il attendit ma réponse. Je gardai un air sérieux et lui répondit sur un ton confiant.

« Tu m’a sauvé la vie. Peu importe ce qu’il est, un lien nous uni maintenant. J’ai une dette envers toi. Je ne connais pas non plus la nature exacte de ton lien avec ce loup, mais je sens ta colère et ta tristesse. Je ressens l’ampleur du sacrifice que tu as fait pour moi. Et tu voudrais que je parte? Cette attaque t’a coûté trop cher pour qu’en plus je te prive de ce que je m’étais engagée à te donner. Je ne changerai pas d’avis. »

Mon regard resta planté dans le sien, j’attendais de voir sa prochaine réponse. Le destin n’avait pas mis cet homme sur mon chemin par hasard. Il ressemblait trop à Souji. Il était la personne qui remplirait le vide laissé par mon amour de jeunesse. Maintenant, lui aussi avait un vide immense à combler. Comment il le ferait, ça ne me concernait pas. Pour ma part, j’allais tout faire pour que cet homme qui me semblait si bon reste en vie. Si son plan réussissait, le monde en serait changé. Je marquai une pause dans mes réflexion afin d’effectuer un balayage sensoriel de la zone, histoire de voir si un membre de la lune rouge venait nous rejoindre. Puis, je reportais mon attention sur mon coéquipier.

Il s’approcha de moi avec un air solennel. Je croyais qu’il allait faire une grande déclaration de la plus grande importance, au lieu de quoi il fit simplement voler en éclat le sérieux de la situation. Il tapota ma tête de la main et me fit un sourire. Mon premier réflexe fut de froncer les sourcils et de le dévisager avec fureur. Puis, je pensai à lui. L’espace d’une seconde je redevins la jeune Genin de Konoha qui ne se maquillait pas encore. La jeune fille dont les longs cheveux d’ébène virevoltaient dans le vent du pays du feu et dont le rire résonnait comme de douces clochettes suspendues dans l’air. La Megumi qui s’endormait chaque soir en visualisant le visage de Souji, mon ancien camarade. Je détournai le regard, embarrassée. Je ne voulais pas qu’il voit cette Megumi là. Je ne serais plus assez crédible pour une telle organisation. Et puis, s’il la voyait, il demanderait inéluctablement pourquoi j’avais changé.

Il me dit que je ne lui devais rien, qu’il le refusait. Ceux qui lui devaient quelque chose, c’étaient le Mizukage et les traîtres. En aucun cas moi. Sa façon de parler. Si lors de notre première rencontre cela m’avait adouci, maintenant cela m’enrageait presque. Il n’avait pas le droit de lui ressembler autant! Pas le droit de me parler sur ce ton rassurant. Si moi j’avais pu deviner ses émotions grâce à ma technique et à son chakra instable, lui ne devrait jamais avoir ce pouvoir sur moi. Mes prunelles d’un bleu azur devaient lui rester insondables, sinon il en viendrait à me connaître en entier. Il parviendrait à me contrôler comme un chien bien dressé. J’étais trop imprudente, c’était un fait. Quoi qu’il en soit, c’était à mon tour de parler maintenant.

« Alors, maintenant on fait quoi? Je vais devoir porter un manteau serti de nuages rouges? Autant me tatouer Akatsuki dans le front un coup parti. Si c’est possible je préfèrerais continuer à porter mes vêtements habituels. Parce que sinon, autant divulguer le nom de nos membres sur la place publique. »

Il fallait l’admettre, un uniforme, c’est classe. Surtout le long manteau de la lune rouge qui cachait une partie de nos visages et nous donnait cet air puissant et mystérieux. Toutefois, je n’étais pas encore convaincue que les porter était la meilleure solution. En fait, c’était sans doute la pire chose à faire. Que valait la peur engendrée par la cape comparé à l’effet de surprise lorsqu’un homme affublé de vêtements de paysans vous transperce d’un kunai? Pour moi, il n’y avait pas besoin de poser la question.

« Avant que je ne m’affiche au grand jour comme étant membre de cette organisation, peux tu me dire précisément quelles valeurs ce groupuscule prône-t-il. Et, surtout, quelles valeurs toi tu prône? Car c’est bien beau dire que c’est une campagne de paix, si les autres ne sont pas d’accord avec toi tu ne sauvera pas grand-chose, tu seras seulement piégé au milieu, combattant les deux côtés à la fois.»

Je l’écoutai parler et, je dois bien l’avouer, il me fit rire avec son commentaire sur la cape. Pour ma part, je n’étais pas certaine que cela aille bien avec mon maquillage et, de toute façon, ne comptais pas la porter si j’avais effectivement le choix. Il but une gorgée de saké et cela me rappela ma rencontre avec l’homme du bar. Ils se seraient bien entendus, eux et leur désir de purifier ce monde de ses impuretés. C’était devenu une vraie mode ou quoi? Remarque, qui étais-je pour parler. Moi, la femme aimant s’octroyer le droit de vie ou de mort sur tous êtres. Il continua ensuite son monologue.

Ainsi, si les autres ne le suivaient pas, il les précipiterait dans la tombe. Intéressant. Mais plus intéressant encore, il me confia être le bras-droit de Sasori. Donc, non seulement il était haut gradé et je gagnerais beaucoup à l’avoir de mon côté, mais en plus, il venait de me révéler l’identité du chef. Le mieux, c’était que ce nom me disait quelque chose. Quoi qu’il en soit, je me pencherais là-dessus plus tard. C’était sans doute une autre preuve de sa confiance envers moi. Il disait être motivé et je le croyais sur parole. Il garda son air de fanfaron et bu de nouveau. Je me demandai si sa gourde avait une fin. Il se décrivit ensuite comme un criminel qui avait craché sur tous ses serments, mais qui le faisait pour une noble cause. L’ayant déjà jugé à notre première rencontre, j’obtempérai. Il ajouta ensuite qu’il n’avait rien à craindre du reste de l’organisation, sauf si, bien sûr, j’étais une menace. C’était la preuve qu’il ne me connaissait pas. Je lui offris un sourire avant de prendre la parole.

« Nous avons tous nos petites habitudes, nous, les déserteurs. Moi, je juge les gens et je décide ensuite. Si je t’avais jugé inapte à poursuivre ta vie, j’aurais causé ta mort à Kiri no kuni. Mais tu as de bonnes valeurs qui sont rares, tu ne dois pas mourir. Je ne te cacherai jamais mon avis et je crois que c’est ce qui fait que je serai la personne la moins dangereuse pour toi. Après tout, si un médecin ne sait pas dire l’heure juste à son patient, qui le fera? »

Je n’espérais même pas que cette réponse soit pour lui satisfaisante. La vie était trop courte pour la polluer de manigances, de cachoteries et de plan de mutinerie. Cet homme était puissant et son esprit était plus juste que celui de la plupart des gens. Il me donnerait également l’opportunité de juger ces gens et de leur mettre un terme. Il serait mon excuse, je serais celle qui lui permettrait d’échapper à la mort. Pour moi, c’était un accord satisfaisant. Plus qu’à voir ce que lui en pensait.