Pour renforcer mon sentiment d’appartenance au village, mon père m’avait suggéré d’étudier dans ma branche favorite à l’hôpital de Konoha. Au départ, l’idée ne me plaisait pas plus que ça. Rester enfermée toute la journée dans une petite pièce puante, très peu pour moi. J’avais besoin d’air et de vent. Toutefois, il m’avait fortement encouragé à laisser une chance au programme de recherche et, un peu à contre cœur, j’avais accepté. Je rencontrai donc Ato, une femme plus vieille que moi et plus forte également. Sa façon d’être, bien différente de la mienne, me dérangeait tout autant qu’elle m’attirait. Comment demeurer immobile aussi longtemps le nez plongé dans un livre? J’aimais expérimenter, tester et découvrir. Pas m’asseoir et lire. Au final, la curiosité m’avait décidé et j’avais rejoins le programme de recherche. À mon plus grand bonheur, je fus placée sous la tutelle de cette femme que j’avais remarquée lors de ma première visite. On m’avait donné la chemise blanche des médecins et ma propre carte pour accéder aux laboratoires. Derrière moi, Kaze virevoltait dans l’air. Si j’étais la partie de moi qui demeurait calme et tentant de faire bonne impression, mon daemon s’en donnait à cœur joie pour montrer mon enthousiasme au monde entier.

Au bout de plusieurs mois, nos petites habitudes s’étaient formées. Si l’odeur ne la dérangeait pas, moi j’arrivais parfois de nulle part pour ouvrir toutes les fenêtres et aérer un peu avec un doux fuuton. Si elle demeurait assise sur sa chaise pour feuilleter ses volumes poussiéreux toute la journée, moi je sortais courir pendant que, à une distance respectable de moi, Kaze me faisait la lecture. Si elle se contentait de manger peu, je grignotais en permanence et mon daemon devait ramasser derrière moi. Malgré tout, je demeurais douce, sereine et motivée en tout temps. J’avais l’impression d’être la dose d’énergie qu’il manquait à ce laboratoire. Toujours en train de faire les courses pour Ato et de faire les schémas explicatifs ainsi que ce qui était le plus actif. Comme aller recueillir du venin de serpent par exemple.

Quoi qu’il en soit, une idée avait germée en moi depuis plusieurs jours et je me demandais comment la proposer à ma sempai. Fort heureusement, cette journée serait couronnée d’un succès gratifiant. Ato avait enfin réussi à isoler la partie toxique du venin. Soit exactement ce qu’il me fallait pour proposer mon idée qui, si elle paressait folle, pouvait peut-être également être la prochaine étape du progrès dans la médecine. Mes grands yeux d’émeraude plongèrent vers les lentilles du microscope et ma douce voix fit écho dans toute la pièce.

« C’est un excellent progrès Ato-sempai. Mais je me demandais…Le venin est vraiment redoutable et puis le fait de le faire sous forme d’antidote fait en sortes que c’est beaucoup moins accessible sur le terrain. (Hésitation) J’ai fait quelques recherches sur le système de défense naturel du corps humain et peut-être il y aurait un moyen de rendre l’organisme plus fort contre le venin? On pourrait partir du principe des premiers ninjas qui en ingéraient une dose de plus en plus forte pour y accoutumer leur corps, surtout maintenant que l’on a réussi à isoler cette composante. (Pause) Mais c’est sans doute une idée complètement débile. Les antidotes c’est bien et c’est beaucoup plus simple. »

Je lui souris, l’un de mes sourires doux et sans prétentions. Ceux que mon père aime tant pour une raison obscure à mes yeux. J’allais me remettre au travail, mais je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir qu’Ato me retiendrait pour parler de mon idée complètement folle. Mais, si cela fonctionnerait, j’allais peut-être participer à l’élaboration du tout premier vaccin connu dans le monde ninja.

Ma sempai démonta mon idée point par point. Elle m’exposa également le risque de réduire la force de notre système immunitaire et la possibilité de l’accoutumance et, surtout, de l’addiction au produit. Malgré cela, une telle technique n’avait jamais été tentée et je décidai de garder mon idée en tête pour plus tard. Je baissai la tête, me préparant pour de bon à retourner à mes affaires, lorsqu’Ato poursuivit sur sa lancée. En pilule. Je me jetai sur ma planche à note et commençai à écrire sur papier tout ce que ma sempai disait. Au moins j’avais su l’inspirer. Guérison plus long, transport pratique. Variation des doses selon l’âge. J’avançai une suggestion entre deux phrases de ma sempai, que je notai également.

« Des gélules peut-être? C’et plus facile à produire et ça risque moins de s’émietter. »

Elle continua sur sa lancée et parla de bois de cerf. Je notai. Puis elle revint sur sa décision, trop difficile à trouver. Je fis un signe à Kaze qui, pendant que je prenais énergiquement des notes, s’envola pour aller me chercher un livre et le déposer dans mes mains. Je laissai mon cahier de note à Kaze qui l’attrapa au vol avant d’aller se poser plus loin et je commençai à feuilleter avec fébrilité.

« L’angélique officinale a de bonnes vertus curatives contre le venin, mais elle pousse quelque part entre Konoha et Kiri….La grande Aunée pourrait également faire l’affaire, elle est plus proche de nous cette fois, vers la frontière entre le pays du vent et le pays de la pluie. Ça vaudrait peut-être la peine d’essayer? »

Je me tournai vers elle, le livre encore ouvert dans les mains. Avant de faire des recherches plus détaillées et de m’envoyer chez le marchand du coin pour voir s’il y avait moyen de se procurer ces produits facilement, je me devais de savoir si Ato désirait avancer dans le même sens que moi. Dans tous les cas, nous avions beaucoup avancé aujourd’hui et mon enthousiasme n’en était qu’accentué.

Ato approuva mon idée de gélule et, si je maintenais mon enthousiasme, Kaze lui fit une vrille dans le laboratoire en laissant échapper un petit cri de victoire. Je rougis et baissai les yeux vers le livre. Puis, elle me tendit une carte d’accès spécial. Le saint-graal qui, dans mon esprit, était entouré de petits chérubins dansants et de petites étoiles brillantes. Je l’attrapai et promis de le surveiller comme la prunelle de mes yeux. Je quittai ensuite cérémonieusement le laboratoire avant de fermer la porte coulissante et de…m’élancer à toute vitesse dans les couloirs, suivie par mon daemon qui virevoltait joyeusement. Nous nous approchions de plus en plus de la solution et cela pourrait révolutionner la vie des gens de Suna. Ce n’était peut-être pas la liberté dont je rêvais, mais c’était un projet gratifiant que je désirais mener à terme. Je cessai ma course devant les portes de la serre et replaçai mes cheveux et ma blouse blanche. Je franchis ensuite la porte pour me retrouver face à un jeune homme qui avait les pieds sur son bureau et qui lisait un manga hentai, bien affalé dans sa chaise. Je restai plantée là, un peu mal à l’aise. Il ne m’accorda même pas un regard. Je me raclai la gorge, timidement. Toujours pas de résultat. Je fronçai les sourcils, je me devais de trouver un moyen de…Et Kaze s’approcha de lui pour se poser sur son bras et crier de toutes ses forces de sa voix perçante d’oiseau. Il se débattit pour le chasser et le manga tomba sur le sol, hors de ma vue, parfait. Le jeune homme me jeta un regard noir, s’apprêtant apparemment à m’invectiver. C’est alors que je lui coupai le bec en brandissant la carte spéciale d’Ato-sempai devant ses yeux.

« J’ai besoin de…disons cinq échantillons, de la grande aunée. Une plante que vous devriez avoir ici dans les serres. C’est urgent, nous sommes sur le point de faire une importante découverte scientifique! (pause) S’il-vous-plait! »

Il jeta un œil à la carte avant de s’en saisir, mécontent. Mais il mit ses gants et pris ses sécateurs et se dirigea vers un coin éloigné de la serre. Il revint avec cinq tiges fleuries qu’il engouffra dans un petit sac de plastique transparent et de me le donner, avec la carte bien sûr. Je le remerciai et, toujours bougon, il retourna à sa lecture. Cette fois, je pris mon temps pour rentrer au labo, pas question d’abimer les fleurs. La porte du laboratoire semblait si lointaine à présent. Quoi qu’il en soit, je l’atteignis enfin et déposai mon petit trésor devant ma sempai.

« Voilà! On peut passer à l’étape suivante maintenant! »

Nous avons continué à travailler et, alors que je continuais à tout consigner par écrit, Ato-sempai plongea le regard dans le microscope et m’interpella. Je laissai tout choir sur mon bureau et me levai à toute vitesse pour m’approcher du microscope et admirer notre réussite. Je l’entendis à peine dire que c’était en partie grâce à moi, mes grands yeux verts étaient écarquillés alors que j’observais ce qui relevait presque du miracle. C’était la toute première grande avancée dans le monde de la médecine que j’observais de mes propres yeux. Lorsque je réussi enfin à extirper mes yeux des lentilles, je trouvai une Ato souriante qui brandissait une bouteille de saké. Elle me dit qu’elle ne dirait rien à personne, mais que nous méritions de connaître la victoire. Certes, je n’avais jamais bu de saké, mais à dix-sept ans, je ne croyais pas non plus que d’en boire un verre soit si dramatique que cela. Je n’allais quand même pas être ivre morte après mon premier verre? Non? Je pris mon verre, l’examinant timidement, puis me tournai vers ma sempai avec un immense sourire.

« Pour la victoire! Kampaï! »

Et je pris ma toute première gorgée qui m’arracha une petite grimace. Je n’y avais jamais goûté et je fus légèrement surprise. Mais bon, je serais bientôt une adulte et peut-être que cela pourrait être une bonne petite récompense de temps à autres après une semaine de travail bien remplie, non? Dans tous les cas, il s’agissait d’une journée que je n’oublierais jamais.

Finalement, je pris mon courage, et mon verre, à deux mains et je le bus d’une traite. Une fois habituée au goût, je n’aurais sans doute plus trop de mal. Les traitements chocs marchaient bien dans certaines situations après tout. Cette fois par contre, je fermai les yeux et fit la grimace pour de bon. C’est que c’était fort ce truc. Peut-être que je devrais me calmer un peu sur le saké. D’ailleurs, Ato-sempai avait également fini son verre et, tout en se resservant, engagea la conversation. Elle me dit que nous n’avions pas beaucoup de temps pour discuter ensemble et qu’elle avait une question à me poser si je le lui permettais. J’acquiesçai en me versant un nouveau verre de saké, plus par mimétisme que pas choix conscient. Et je pris une gorgée en l’écoutant formuler sa question. Selon elle, j’étais une bonne assistante, mais il lui semblait évident que j’avais souvent envie d’être ailleurs. Elle se demandait donc si j’avais un rêve en particulier, quelque chose que j’aimerais faire, puis elle se rattrapa en disant que c’était peut-être elle qui avait imaginé cela. Je lui souris en bougeant la tête de gauche à droite. Je cherchai alors mes mots pour lui répondre, mon regard rêveur nageant dans mon verre de saké.

« Ce n’est pas une impression Ato-sempai. Ce n’est pas que je n’aime pas être ici! Ne vous méprenez pas! Simplement…Quand j’étais plus jeune, je vivais avec ma famille dans un groupe de nomades et j’adorais voyager. Je trouve ça plutôt difficile de rester toujours dans les murs de Suna. J’ai envie d’explorer, de voir le monde et de découvrir des merveilles insoupçonnées. C’est ça qui me fait rêver. C’est tout! »

Et je lui fis un immense sourire avant de prendre une autre gorgée de mon verre. Cette fois, mes joues commençaient à être définitivement rouge et j’avais envie de sourire, mais encore plus qu’à l’habitude. D’ailleurs, Kaze sur son perchoir secoua légèrement la tête, comme pour se débarrasser d’une mouche agaçante. Je reportai mon attention sur Ato-sempai, me demandant ce que cette femme avait eu la chance de voir et ce qui l’avait décidée à rester ici, à Suna. Dans tous les cas, je me doutais que cela devait avoir un lien minimal avec les installations de l’hôpital de Suna qui étaient, selon les ouïe-dires, loin d’être égalées.

« Et vous Ato-sempai? Vous avez des rêves que vous n’avez pas encore réalisés? »

Elle dit comprendre pourquoi mon oiseau était un animal maintenant. Elle parla également du lien qui m’unissait à Kaze et nous acquiesçâmes tout deux en un même mouvement. Et je ris lorsqu’elle me compara à un oisillon voulant quitter le nid. L’image d’une moi sautant du haut des remparts de Suna était plutôt cocasse dans mon esprit embrumé. Elle me parla ensuite de son rêve et je l’écoutai sérieusement, mes yeux d’émeraude brillant à l’écoute d’un tel rêve. La paix pour tous. Quel bel idéal. Peut-être je pourrais travailler pour ça moi aussi? Elle me parla aussi de son ancien rêve, celui de la puissance. Personnellement, ce n’était pas quelque chose que j’avais recherché. Non, la liberté me suffirait amplement. Ato-sempai me parla également d’un homme et je me retrouvai schotchée à ses lèvres. Ça, c’était une chose que je n’avais jamais connue et que je ne m’imaginais pas connaître. J'étais petite, je n'avais pas de formes. Je n'étais pas une belle femme forte et attirante comme l'était Ato-sempai. J'avais bien hâte de vieillir. Et elle me dit avoir perdu la mémoire et je sentis les larmes me monter aux yeux. Puis elle me dit l’avoir retrouvé et qu’elle avait perdu tout le reste. Et je me mis à pleurer comme les gamines de manga, avec deux immenses jets alors que Kaze poussait une profonde plainte de tristesse. Entre deux sanglots, je réussi à placer quelques mots.

« Pauvre…..Ato….sempaaaaaiiiii!!!! Ce doit être affreux!! »

Et j’enfouis mon visage dans mes mains et je pleurai de plus belle durant quelques instants, jusqu’à ce qu’Ato-sempai me propose d’aller quelque part. Je levai mes yeux vers elle et mon sourire s’élargi. Je levai le poing en l’air et me levai de ma chaise en un bond.

« Allons-y! »

Et je me dirigeai vers la porte, sans même l’attendre. Je passais de A à B sans me poser de questions et Kaze volait derrière moi, prêt à m’emboiter le pas dans le couloir pour me diriger vers je ne savais pas trop où. Je marchais droit, mais je riais toute seule pour une raison m’étant inconnue.