J’étais quelque part dans le pays de la roche, pas trop loin d’iwa, dans un immense gouffre au fond duquel nous avions construit notre quartier général. Les Libérateurs d’Iwa, pas mal comme nom, vous ne trouvez pas? Je ne l’avais pas choisi, mais j’étais certaine que je n’aurais pas trouvé mieux, Ryosuke avait du être des plus inspirés ce jour là. Quoi qu’il en soit, ma longue chevelure verte était attachée en un solide chignon et des lunettes protectrices protégeaient mes yeux ambrés des éclats rougeoyants de mon ouvrage dans la forge. Je cognais à un rythme régulier sous le regard semi-attentif de ma seconde, Suika. Elle parlait des villageois et d’un garçon particulièrement dérangeant qu’elle avait vu. Il lui avait fait une impression forte et ça l’avait dérangée. Maintenant, elle était incapable de ne pas repenser à ses yeux et de se dire qu’elle le détestait. C’était assez clair, ma fidèle confidente mourrait d’envie de le revoir et je sentais qu’elle me demandait indirectement d’arranger une rencontre en bonne et due forme. Ah, parfois j’aurais préféré qu’elle accepte mieux ses propres désirs, mais que voulez-vous, ça fait aussi partie de son charme j’imagine.

Puis, je remarquai Hoshio qui se tenait en retrait, me regardant travailler. Il se dandinait d’un pied à l’autre et son regard me fuit dès que je levai la tête. Je déposai mon ouvrage et relevai mes lunettes de protection pour les placer sur le dessus de ma tête. Suika s’interrompit et regarda dans la même direction que moi, intriguée. Lorsqu’elle le vit, son sourire s’agrandit et elle l’invita à s’approcher de nous avec son entrain habituel. Il faut dire qu’elle parlait beaucoup Suika. Mais moi, j’avais compris que quelque chose n’allait pas. Et le pire, c’était quelque chose qu’Hoshio avait peur de me confier. Je me levai donc et me dirigeai vers lui, paniquée. Y avait-il eu une attaque? Le quartier général ou pire, les villageois, étaient-ils en danger? Son regard d’azur croisa mon regard d’ambre et ma seconde nous rejoins d’un bond agile, également soucieuse tout à coup.

« Nous avons eu des nouvelles de la frontière, Setsu-san. »

Je l’encourageai à continuer d’un regard ardent, il ne pouvait ignorer cette injonction et il continua donc, bien qu’à regret.

« Certaines sources font mention d’une attaque imminente du village de la brume aux frontières du pays du vent. Nous avons perdu une patrouille de reconnaissance dans le processus, mais il semblerait que les ninjas de Kiri n’aient pas appris leur appartenance au pays de la Terre. »

J’acquiesçai solennellement. Le pire avait été évité, heureusement. Nous devrions toutefois rapatrier nos patrouilles et nous tenir loin de la zone des affrontements pour un temps. Nous ne voulions pas rappeler au monde notre existence, ce serait beaucoup trop dangereux à ce stade ci des opérations. Nous n’avions pas de grands moyens après tout.

« Faites revenir les patrouilles, plus personne ne sort du pays de la Terre, je veux être informée au plus vite si l’un ou l’autre des camps impliqués fait mine de montrer un intérêt des plus mineur à notre pays. »

« L’ordre a déjà été donné par Niwa-san, simplement, je me devais de vous informer d’autre chose… »

Hoshio ne me vouvoyait jamais. Nous nous connaissions depuis que j’avais huit ans et lui sept, nous avions grandi ensemble au pays de la neige et un jour nous devrions même nous marier pour satisfaire les vœux de nos familles respectives. Jamais il ne me vouvoyait, jamais. Suika sembla ressentir ma détresse car elle posa délicatement la main sur mon épaule pour me soutenir.

« Parle Hoshio! »

Il baissa les yeux et, à contre-coeur, me partagea l’information apparemment capitale qu’il détenait.

« Un homme aurait été aperçu il y a de cela plusieurs jours dans le désert de Suna par nos guetteurs et…sa chevelure… »

Je me jetai sur Hoshio, serrant ses mains dans les miennes et plongeant mon regard dans le sien. Je m’accrochai à lui comme à une bouée et attendit qu’il me donne l’air dont j’avais besoin pour respirer de nouveau.

« Sa chevelure était aussi verte que la vôtre et son oreille sertie d’un bijou doré. »

« Un signe de l’ancien empire… »

Je n’entendis même pas le commentaire de Suika, je quittai les forges à la course, me dirigeant vers mes appartements. Cet homme, cet inconnu dans le désert qui devait être pris au beau milieu d’un conflit qui n’était pas le sien. Ce pourrait-il que ce soit Yuukyuzan Anjii? Celui que je nommais frère? L’être le plus important pour moi après mon regretté père? S’il s’agissait bien de lui, sa présence à mes côtés dans l’ordre des Libérateurs d’Iwa pourrait s’avérer capitale, voir plus encore.

Je fermai ma porte derrière moi et jetai mes vêtements crasseux sur le sol pour ensuite sauter dans la douche. Un lavage rapide, puis je m’enroulai dans une serviette et commençai à préparer mes bagages. Je n’avais pas une seconde à perdre. Je venais de recevoir les premières nouvelles de mon frère que j’avais en dix ans. Mon départ pour la frontière était imminent et rien ni personne ne saurait m’en empêcher. Je nouai mes cheveux en une basse queue de cheval et me vêtit de vêtements de voyage. Je nouais mes bottes lorsque l’on cogna à ma porte. J’ignorai royalement l’inconnu qui se cachait de l’autre côté et enfouis un kunai dans mon sac de voyage, entreprenant ensuite la recherche d’un parchemin.

C’est alors qu’il ouvrit ma porte. Grand, inquiet et peut-être un peu furieux. Je me retournai, contemplant l’immense silhouette de Ryosuke Niwa fondre sur moi pour m’attraper par les épaules et planter son regard rougeoyant dans le mien. Je laissai tomber mon sac au sol et me figeai. Derrière lui dans le corridor, j’entendis des pas de courses que j’attribuai à Suika et à Hoshio.

« Mais qu’est-ce que tu fous Setsu-chan!? »

« Je pars, je vais chercher Onii-san. Si c’est vraiment lui… »

« Si? Si! Tu penses que le peuple d’Iwa a envie de perdre sa Hime-sama pour des si? Tu réfléchis parfois?!»

Je voulu m’indigner, mais il était plus fort que moi et n’eu pas de mal à me jeter sur son épaule pour m’empêcher de fuir. Je commençai d’abord par me débattre vivement avant de finalement capituler. Je relevai la tête pour voir ma seconde et mon fiancé, se tenant dans le cadre de la porte et observant la scène d’un air découragé. Puis, mon porteur se retourna et je ne vis plus que le mur.

« Il a raison Hime-san! Ce serait imprudent, d’autant plus avec cette attaque sur Suna. »

Ryosuke me déposa sur mon lit et s’assis à mes côtés alors que les deux autres entraient dans la pièce en refermant derrière eux. Tous se tinrent silencieux, attendant apparemment que je parle la première.

« Je n’ai pas eu de nouvelles de lui depuis dix ans. Si ce n’était que les cheveux. Mais la boucle d’oreille, je ne peux pas ignorer ça! Il possède une connaissance des Titans de la Roche que je n’ai pas et travailler avec lui pour les améliorer pourrait conduire à des progrès phénoménaux pour notre cause. »

« J’irai. »

Nous nous retournâmes tous vers Ryosuke qui avait adopté un air grave. Je plongeai mon regard dans le sien et compris qu’il était des plus sérieux. Je posai ma main sur la sienne.

« Ryo-kun…Je dois y aller, tu ne le reconnaitrais pas et il ne te connais pas non plus. Tu dois rester ici et diriger les Libérateurs d’Iwa. Je sais que… »

« Foutaises! Je ne reste pas ici pendant que tu t’amuses à faire des châteaux de sable! Pas question! »

« Si tu pensais y aller seule, Hime-san. Eh bien c'est raté. Je viens aussi! »

Mes yeux firent la navette entre ma seconde et le co-fondateur des Libérateurs d’Iwa. Je sentis des larmes monter à mes yeux. J’avais tellement de chance d’être entourée de gens aussi dévoués qui étaient prêts à tant pour moi. J’acquiesçai timidement et Hoshio sorti de l’ombre, nous rappelant sa présence.

« Je n’aime pas cette idée. C’est beaucoup trop dangereux. Les risques… »

« Les risques je les emmerdent! Reste ici bien au chaud et veille sur les Libérateurs pour nous. Dans moins d’un mois, nous serons revenus avec son Onii-san et tout va s’être bien passé. J’en donne ma parole. »

Hoshio se renfrogna et un duel silencieux débuta alors que Ryosuke s’était levé pour le dominer de son imposante carrure. Au bout de longues minutes, mon fiancé baissa les yeux vers moi, comme pour me demander si c’était véritablement ce que je désirais. Lorsqu’il comprit que je ne cèderais pas, il capitula, le cœur lourd. Le voyage vers Suna serait long, mais l’enjeu en valait la chandelle.