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| Sujet: Playtime... [PV Sawada Tsunayoshi] Sam 19 Jan - 22:32 | |
| Dans notre monde, l'équilibre des choses est précaire. Tout le monde tire dans une direction qui lui est propre, parfois de concert avec d'autres, mais le plus souvent avec ses dissonances individuelles. Dix années de pseudo-liberté avaient été offertes aux hommes et aux femmes du Yuukan depuis la dramatique chute d'Iwa, ma Patrie. Et qu'en avaient-ils fait? Une lutte pour la suprématie, la puissance. A côté de cela, des gens sans histoires subissaient de plein fouet la tyrannie des forts, leur violence dépassant les bornes du supportable.
Eh oui... Nous étions considéré comme d'horribles épouvantails, une puissance écrasante qu'il fallait abattre. Pourtant, à bien y regarder, Iwa apportait la sécurité au monde, grâce à sa puissance. Certes, l'erreur majeur des dirigeants fut de déconsidérer les humains qui vivaient sous leur joug: ils en firent des esclaves pour certains. Je n'étais pas conscient de la vie qu'ils menaient sous la férule de mon village, car nos habitants prospéraient, et notre pays était un havre de paix. Cela suscitait jalousie, envie et haine. La paix engendra la destruction et le chaos...
Face à la roue du Destin, je me retrouvai dans ce désert, perdu au fin fond de nulle part, dans un simili-village où la sécheresse n'avait d'égale que la chaleur et la quantité astronomique de sable. On en revenait toujours aux même mots quand il s'agissait de décrire Suna, bien que son environnement soit en constante évolution par l'action du vent. C'était exaspérant. Le pire, c'était les périodes de repos. Mon temps libre se transformait le plus souvent en entrainement banal ou en profond ennui. Il n'y avait que trois personnes ici qui parvenaient à éclairer mes journées: mes deux jeunes survivants d'Iwa, Taiga et Ryuuji... et la 'Rose-des-Sables'. Le reste ne parvenait pas à me donner l'énergie nécessaire à une forme d'épanouissement.
Aujourd'hui, j'avais choisi d'entrer dans un bar... Première idée à la con. Je m'étais assis face au patron et lui avais commandé quelque chose de fort, dont le nom m'échappait totalement. Un gaillard s'était assis à côté de moi et avait commandé la même chose. Fronçant les sourcils mais sans lever les yeux, j'avais commandé une deuxième portion du breuvage. Mon voisin m'avait imité. Il commençait à me gonfler. Nous recommençâmes le même manège trois fois. J'en eus assez et me tournai vers lui. Il me regardait déjà, également sérieux.
"Alors tu veux jouer.", fis-je, sûr de mes capacités. "Eh bien jouons".
Une clameur retentit dans le bar, car tout le monde attendait ça: voir de quoi était capable le 'nouveau venu' que j'étais. Une table fut installée, on nous plaça dans deux fauteuils, avec une dizaine de pintes à s'enfiler. Il y aurait du rab si personne ne s'avouait vaincu. Dans une ambiance festive ou les paris fusaient, nous entamâmes cette lutte à distance, buvant sans compter, sans savourer la boisson. Nos yeux étaient des lames, et chaque regard était un défi pour s'assurer que l'autre tenait le coup. A deux reprises je manquai de m'étrangler, à trois reprises il rota. Je passai ma main devant ma bouche pour l'essuyer: ça frappait fort, cet alcool. Mais j'en demandai encore, et on me servit cinq autres verres. C'était le money-time, l'instant décisif. La mort subite. Notre rythme diminuait, j'avais l'impression qu'on fracassait mon crâne avec un marteau. J'entamai mon quatorzième assaut, et je n'en pouvais plus. Mais je tins bon, car en face, il montrait de grands signes de faiblesse. Je finis donc mon verre et me saisis du 15ème, enfonçant le clou et portant un coup supplémentaire à son moral. Il était fini. S'il ne parvenait pas à ingurgiter ses quinze coupes, la victoire me reviendrait, et le respect de tout le bar avec.
Il se leva, théâtral malgré lui, tituba, tenta d'attraper le récipient, y parvint finalement et le porta à ses lèvres. Mais ses jambes le trahirent et il s'étala de tout son long dans une exclamation générale. Je m'abandonnai un instant, fermant les yeux et serrant le poing, un rictus victorieux accroché au visage. Je venais de me rendre malade pour un bon moment, mais je m'en foutais. On m'épongea le visage, et on me fit ingurgiter un digestif avant de me porter en triomphe. Je hoquetai et manquai de vomir, ma contenance ayant presque atteint la saturation, mais mon estomac tint bon.
On me laissa enfin m'affaler dans mon fauteuil et dormir comme un bienheureux. Quel jeu stupide, en vérité... Les hommes avaient toujours ce besoin de démontrer aux autres qu'ils étaient 'meilleurs'. Un concours pour savoir qui portait le mieux ses bijoux de famille... Je détestais l'alcool. Il nous rendait stupide, nous avilissait, nous ramenai au niveau de la bête. Après deux bonnes heures, j'ouvris les yeux, dans un état tout à fait normal. Le digestif était d'une efficacité redoutable. Une envie pressante me saisit, et je dus me soulager aux latrines. A mon retour, je saluai l'assemblée, et je payai ma tournée. Au fond de moi je les traitais d'alcooliques, mais je ne laissai rien paraitre. Enfin, je m'installai à une table à l'écart pour observer...
Qui étaient ces gens? Des Ninja? Des civils? Ils vivaient une période étrange, où la paix était une notion précaire pouvant être à tout moment remise en question. Qu'est-ce qui leur donnait la force de vivre? Leurs familles? La foi en quelque chose? Ou juste la fatalité de devoir vivre sa vie jusqu'au dernier souffle, décidant de quoi faire du temps imparti? Des pensées hautement philosophiques envahirent mon esprit, brièvement entrecoupées par des éclats de rire. Mon rival vint me saluer d'une grande tape dans l'épaule, et si j'interprète bien ses propos, je pense qu'il me considère comme un adversaire de valeur, qu'il serait fier de pouvoir participer à une mission à mes côtés. Je hochai la tête en tendant une main amicale qu'il serra avec conviction. Je serais toujours le bienvenu ici, apparemment.
Grâce à un jeu idiot, mon intégration à Suna allait peut-être prendre une nouvelle ampleur... |
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