Elle est née il y a de cela seize ans maintenant, au sein du clan Tekketsu. Elle était attendue impatiemment par sa mère, Suwako Tekketsu. Cette dernière venait d’atteindre la trentaine et avait du se contenter d’un mariage tardif avec un homme qui était loin d’être son premier choix. Pourquoi cela? Simple. Elle avait peur du sang ce qui, dans leur clan, était quelque chose de quasiment blasphématoire. Le sang était leur plus intime allié. Certains manient les éléments et autres matières uniques, eux c’est le sang. Inutile de mentionner que Suwako ne devint donc jamais une kunoichi. Son mari, quand à lui, était un ninja de seconde zone de cinq ans son cadet et qui ne l’aimait pas, mais alors pas du tout. Inutile de vous dire que ce fut un soulagement pour la civile d’apprendre qu’elle était enceinte. Pour la première fois de sa vie, peut-être arriverait-elle enfin à faire quelque chose d’utile pour le clan : enfanter un ninja compétent. Elle donna d'abord naissance à un garçon qui fut prénommé Nariamo. Et, quatre ans plus tard naquit donc une petite fille aux cheveux roses et aux yeux rougeoyants, Hana Tekketsu.

Au départ, Hana n’était qu’une enfant comme les autres, sage et curieuse. Ce n’est que lorsqu’elle atteignit l’âge d’entrer à l’Académie que son comportement s’avéra assez problématique. Ce n’était pas une très grande école, elle ne comptait qu’une douzaine d’élèves âgés entre sept et treize ans, mais tout le monde devait passer par là un jour ou l’autre. L’enseignant leur montra tout d’abord quelques exemples de techniques réalisables à l’aide du sang et, comme tous les autres, elle regarda avec de grands yeux impressionnés. Toutefois, il y avait dans ses iris une lueur particulière, un envie. Lorsque vint leur tour d’essayer, on lui remit un kunai et c’est avec fascination qu’elle observa le tranchant de la lame avant de la faire mordre dans la peau de son avant-bras. Tous se retournèrent vers elle en un seul mouvement, la classe se figeant durant quelques secondes. Puis, ses yeux s’écarquillèrent et sa bouche s’entrouvrit, tous crurent sans doute qu’elle allait se mettre à crier et à pleurer de douleur, mais non. Un rire cristallin s’échappa de ses lèvres et c’est avec fascination qu’elle regarda le liquide d’un rouge profond couler le long de son bras avant de dégouliner jusqu’au sol. À partir de ce jour, on la retira de la classe normale pour lui offrir un enseignant privé à raison de deux séances par semaine. Ils devaient arriver à contrôler ses folles envies de sang et en faire une kunoichi exploitable sans qu’elle ne soit un danger pour elle-même. La seule personne qui lui parlait encore à l'époque était Nariamo, bien qu'il se fasse un peu plus distant chaque jour pour des raisons qu'elle ne comprenait pas.

Les séances privées débutèrent deux semaines plus tard, lorsque le médecin du clan estima que sa plaie était suffisamment bien guérie pour qu’ils retentent l’expérience sans danger. Ils prirent place, face à face et le sensei lui confia un petit kunai de lancer bien tranchant. Ainsi, elle pourrait se couper sans pour autant se causer des dommages aussi grands qu’avec un kunai régulier. Une fois de plus, c’est avec empressement qu’elle planta le kunai dans sa chair et l’enseignant se précipita pour le lui arracher des mains, grave erreur. L’enfant retourna l’arme contre lui et n’hésita pas à le frapper de toutes ses forces, à répétition. Au final, l’homme perdit un œil et fut partiellement défiguré, en plus de blessures sévères à son bras droit et de blessures mineures à l’abdomen. Il devint clair pour tous qu’elle était un cas particulier, un cas qu’il fallait contrôler le plus tôt possible et isoler du reste du clan. Mais, comme dans tous les clans, il y avait aussi des gens pour se demander si elle ne pouvait pas justement être mise à profit vu son petit caractère…explosif. Entre autres, sa propre mère, Suwako, souffrait de ce nouvel échec et voulait forcer sa fille à se racheter de n’importe quelle façon, surtout en sachant que son frère, Nariamo, ne possédait pas la capacité du clan. Il lui fallu deux années supplémentaires avant de trouver une Tekketsu assez folle pour tenter de lui enseigner de nouveau, elle avait donc dix ans.

Il s’agissait d’une jeune femme prénommée Megumi. Elle possédait une magnifique chevelure d’ébène ainsi que de magnifiques yeux d’un bleu pur et clair, rappelant la glace et l’acier. Son visage respirait l’arrogance et son air hautain pris la petite Hana par surprise. Jamais personne ne lui avait lancé un tel regard auparavant. Le duo s’exila dans une petite cabane éloignée du reste du clan, à environ trois jours de marche. La femme lui appris alors pourquoi elle avait accepté là où tous avaient simplement fait marche arrière, la queue entre les jambes. Elle était en fait une ninja médecin, et pas n’importe laquelle. Ainsi, elle s’avérerait capable de soigner les pires blessures, mais également de lui infliger les pires châtiments si elle n’obéissait pas. C’est donc ainsi que débuta son entraînement où elle saigna plus souvent qu’autrement, s’évanouissant couramment et ce, jusqu’à trois fois par jours dans les pires cas. De plus, lorsqu’elle la jugea suffisamment habile, sa sensei lui enseigna une ou deux techniques de ninjutsu médical ainsi que des cours d’anatomie sur modèles authentiques qu’elle pouvait saigner à sa guise après l’exercice. Cet entraînement intensif perdura sur près de deux années complètes sans qu’elle ne vit sa famille. Au bout de cela, elle se présenta chez elle avec un sourire radieux, fière de ses progrès.

Curieux, les hauts dignitaires du clan décidèrent de la tester afin de voir si, mentalement, elle avait réussi à progresser suffisamment pour espérer intégrer le corps ninja. Elle fut donc appelée à rencontrer un homme qui, comme par hasard, avait perdu un œil et dont le visage faisait pitié à voir. Il la jugea automatiquement inapte, sans même lui avoir posé une seule question ou lui avoir montré une seule goutte de sang et décréta qu’il souhaitait faire un suivit auprès d’elle, à raison d’une rencontre toutes les deux semaines. Suwako fut attristée de la nouvelle, mais accepta en s’accrochant à sa seule chance de se racheter aux yeux du clan. Ce qu’elle ignorait, tout comme Hana, était que l’homme avait un plan derrière la tête. Il voulait se venger de l’enfant et c’est ce qu’il fit, l’abusant à répétition durant leurs petites séances et, bien sur, la gamine n’en parla jamais. Elle était encore jeune et ne comprenait pas, sans oublier le fait que son propre corps ne lui importait que très peu. La seule chose qui la sortit de cette situation fut le retour d’une furie aux longs cheveux noirs qui n’hésita pas à aller voir l’homme en pleine séance pour s’indigner. Selon ses observations à elle, Hana aurait très bien pu être intégrée et l’idée qu’un sombre imbécile qu’elle n’avait jamais vu remette en question son jugement la mettait hors d’elle-même, surtout qu’elle avait tout de même enseigné à Hana durant près de deux ans. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit le yukata grand ouvert et la pauvre enfant coincée sous ce porc d’une quarantaine d’année. Les yeux cramoisis de la victime étaient vides et elle ne sembla même pas voir la nouvelle arrivante qui, sans attendre, lança un senbon dans l’oreille de l’ancien sensei. Ce dernier s’effondra sur Hana qui sembla soudainement reprendre conscience de la situation alors que du sang coulait sur son corps nu, tachant ensuite son yukata souillé. Elle leva lentement la main, effleura le liquide du bout des doigts avant de le porter à ses lèvres et de doucement lécher le sang. Megumi tira le cadavre par les cheveux et le repoussa violemment avant de se pencher sur son élève et de la couvrir de son yukata. Elle la prit ensuite dans ses bras avant de quitter la pièce, se dirigeant immédiatement chez Suwako.

La femme ne voulu pas croire les accusations de Megumi et s’outra, allant voir les hautes autorités pour signaler un meurtre. Pour elle, tout ce qui importait était que la pauvre folle qui avait eu le courage d’enseigner à sa fille la freinait maintenant dans sa progression. Hana, pendant ce temps, enfila un autre yukata et les suivit sans dire un seul mot. Du regard, elle cherchait son grand frère qui semblait de nouveau absent. Éclata alors tout un capharnaüm  alors que l’on essayait de savoir ce qui s’était réellement passé. Megumi s’emportait en menaçant les dignitaires alors que Suwako pleurait et les implorait de ne pas pénaliser sa fille pour les actes de la sensei. C’est ce moment que choisi le plus haut conseiller pour se tourner vers Hana.

« Et elle, quelle est sa version de l’histoire? »

Ces mots résonnèrent dans sa tête et elle regarda le bout de ses doigts, admirant le sang encore tiède.

« Elle… »

Ce qui se passa ensuite, elle ne s’en souvient pas ou du moins, pas très bien. Lorsqu’elle ré-ouvrit les yeux la pièce était couverte de sang et quelques dignitaires avaient réussi à s’enfuir. Les autres, toutefois, baignaient dans leur sang sur les tatamis. Au centre de la pièce, une Suwako agonisante invectivait Megumi qui était recroquevillée dans un coin, blessée superficiellement.

« C’est de votre faute si elle a fait tout ça! Vous avez tout gâché!! »

« Non, c’est elle qui a tout gâché. »

Sur ce, la lame de sang s’abaissa et mis fin à la vie de sa mère. Elle quitta ensuite la pièce, conservant son yukata ensanglanté, avant de quitter le village à la course, pieds nus. Pas une seule fois elle ne regarda derrière elle. Pas une seule fois elle ne se demanda ce que le clan deviendrait maintenant, ni ne pensa-t-elle à sa mère ou à sa sensei. Maintenant, il n’y aurait plus rien pour elle, plus rien d’autre que le sang qu’elle aimait tant. Le lendemain, elle aurait eu quatorze ans.

Sa vie devint plutôt simple. Elle mangeait ce qu’elle trouvait et saigner tous les animaux qu’elle arrivait à attraper, voir parfois les voyageurs qu’elle croisa. Il n’y avait dans sa vie plus aucune règle, plus aucune limite, plus aucune remise en question. Il n’y avait que ses envies les plus primaires à elle. Cette période ne dura toutefois pas si longtemps puisqu’un jour, on la surprit alors qu’elle gouttait le sang d’un lapin. L’inconnu était un jeune homme un peu plus âgé qui avait de longs cheveux noirs et des yeux aussi rouges que les siens. Au fond, il lui faisait un peu penser à Nariamo. Il dialogua avec elle, acceptant sans problèmes qu’elle était « elle ». Il lui offrit même de son sang et de son pain avant de commencer à l’interroger. N’ayant plus de secrets, la jeune fille n’eut aucun problème à se confier à lui et, au final, il l’appela même imouto. Cette appellation la rendit bien pensive, mais au final elle décida qu’elle en voulait bien. Ils quittèrent la clairière peu après alors qu’Hana accepta d’aider Adjiko dans la poursuite de son but, la découverte d’un temple consacré à sa divinité. Cela fait maintenant deux ans qu’ils parcourent ensemble le monde ninja et elle n’a pas à se plaindre. Il lui offre toujours beaucoup de sang.