Je rentrais de mission. J'avais pris tout mon temps pour la faire. J'en avais pris encore plus pour me reposer avant de retrouver le repère et cette chambre glauque et froide. Mon humeur n'avait pas changé d'un poil depuis le début, elle était joyeuse. Comme la plupart du temps. Mais si j'avais su ce qui m'attendait lorsque j'y serais, jamais je ne serais rentrée. Jamais. Néanmoins, à cet instant j'avançais tranquillement, encore cinq-cent petits mètres et j'y serais enfin. Le temps passait à une allure, c'était fou. Et là... Je me stoppais. Abasourdie des mots que j'entendais. Assez loin pour qu'ils ne me remarquent pas de suite, cachée par les buissons, trop près pour louper ne serait-ce qu'une miette de ce que j'écoutais malgré moi. Je ne bougeais plus, ne comprenant absolument rien de la situation. Gaishi allait-il bien ? Et Pain... Nagato ? Hmm... Il faudrait m'expliquer. Me donner les véritables raisons de son souhait. Me dire pourquoi il désirait tant rejoindre cette chose à laquelle il tenait certainement plus qu'à moi. Megumi, sûrement. Parce que de ce qu'il m'avait dit, elle comptait bien plus que sa vie à ses yeux. Il l'aimait quoi. Mais était-ce simplement suffisant pour me laisser seule de nouveau alors que lui-même m'avait fait du chantage pour que nous poursuivions sa quête tous les deux ?

Donnes-moi une seule raison de ne pas te tuer pour cette trahison... Mon frère.

Entre temps j'étais passée à l'avant des arbustes, n'éprouvant aucune gêne de débarquer en plein milieu d'une conversation "confidentielle". Je n'avais qu'une envie. Me venger. Je n'acceptais pas. Je ne voulais pas accepter l'idée qu'il m'ait prise pour un simple pion. Et seulement pour cette raison, je le tuerais. Et je mourrais à sa suite. Sur mon visage, on lisait aisément toute cette peine et cette rage qui déchiraient mon coeur en ce moment même. On comprenait par ce rictus sombre et maléfique que j'étais sérieuse et qu'il ne pourrait pas m'arrêter. Ni lui... Ni Pain. À moins de m'ôter la vie avant. Et ça... Je m'en contrefichais. La colère m'aveuglait tellement que j'en oubliais Heiryuu.

Un coup de massue en plein coeur. Je restais là, immobile, observant les quelques brins d'herbe qui se battaient en duel sur le sol. Les poings le long du corps, sérrés. Je ne savais ni que faire, ni que dire. En cet instant j'étais seule face à tous ces sentiments qui se confrontaient en moi. Il y avait cette peine lorsque je l'écoutais parler, cette colère qu'il eût décidé de tout arrêter comme ça. Cette douleur alors que je savais qu'il avait raison et que j'avais tort. Je ne pouvais pas comprendre. J'avais été éloignée de lui, certes, mais je n'avais pas énormément souffert dans le fond. Je m'entraînais librement, sans maltraitance et avec beaucoup de joie. La seule chose qui m'avait transformé, c'était la distance... Parce que j'avais appris à vivre avec Gaishi et que jamais je n'avais voulu vivre sans lui.

Dès l'instant où il eut en partie terminé, je levais mon regard vers le siens, observant avec surprise qu'il s'avança pour balancer son katana à mes pieds. De grands yeux. Je m'en voulais. Je m'en voulais de le faire souffrir un peu plus encore en agissant ainsi parce que, de nous deux, j'étais la plus égoïste. J'étais celle qui ne voyait pas tout ce qu'il avait enduré pour moi, pour le clan. J'étais celle qui avait encore sa soeur, celle qui n'avait pas subit de plein fouet la mort d'un être cher. Je n'étais même pas là lorsque Taihei fût assassiné. Et je me permettais de le menacer. Je me permettais de lui dire que je voulais le voir mort, et l'oublier. Je me dégoûtais. J'en avais des nausées tellement j'avais honte de moi. Dans le fond, j'était bien incapable de lui faire quoique ce soit. Je me prenais la tête pour rien, m'énervais ô combien facilement et fonçais souvent dans le tas sans réfléchir. Lorsque j'étais hors de moi. La preuve.

J'allais m'abaisser, ramasser son arme et la lui rendre. Mais je n'en eu pas le temps. Nagato m'en empêcha, en quelques sortes. Lorsqu'il entama son discours, je ne pu résister à l'idée de le regarder. Droit dans les yeux, sachant que tout ceci m'était directement destiné. Ni froid, ni chaleureux. Légèrement sévère et indifférent, peut-être. Je ne l'aimais pas. Je déviais lorsqu'il aborda ce sujet de trahison. Je me sentais coupable. Il avait raison en tous points. Je m'étais mise sur la défensive parce que j'ignorais le pourquoi de sa décision mais plus le temps passait, plus je me calmais. Du moins, envers eux. En l'instant je n'avais qu'une seule envie, qu'il me tue. Seulement je connaissais mon frère. Jamais il ne le ferait et ce rouquin n'avait aucun lien assez fort avec moi pour que je lui permette de le faire.

Si je bouge ne serait-ce qu'un doigt, eeh, murmurais-je faiblement.

Ma voix était tremblante, les larmes me montaient discrètement aux yeux. Il ne fallait pas que je craque. Pas maintenant. Je me baissais doucement et récupérais le katana de mon frère, pour le lui tendre ensuite. Je lui rendais, qu'il comprenne que j'avais agi sur un coup de tête. Je lui demandais pardon. Parce que j'étais juste mal placée pour vouloir attenter à sa vie. Puis, je sortais un kunai de ma saccoche, tranquillement et me mordant les lèvres pour éviter d'hurler, j'attrapais la main droite de Gaishi, posais ma main contre la sienne et nous plantait. C'était ma façon de m'excuser, il le savait. Je ne pus me retenir plus longtemps, je fondis en larmes. Oh non je n'étais pas bruyante, loin de là. Je jettais simplement mon regard dans le siens, qu'il découvre mes véritables sentiments. Et de part ce geste peu ortodoxe, je lui promis une chose et lui en fis promettre une autre.

Je ne comprends pas, honnêtement, dis-je entre deux sanglots, mais je vais tenter d'accepter ta décision parce que je t'aime, tu sais. Je crois que je n'accepte simplement pas le fait que tu ai décidé de t'en aller sans me prévenir et de nous séparer une nouvelle fois. Je sais que tu as vécu des moments horibles et que par rapport à moi, tu n'as pas eu une vie vraiment rose mais... Je n'oublierais jamais tout ce que tu as fais pour moi, toute cette gentillesse... Tu as raison, je ne pensais sans doute pas réellement à t'ôter la vie, j'étais aveuglée par l'incompréhension et je t'en demande pardon. Maintenant promets-moi une chose. Ne m'abandonne pas, ne me laisse pas seule comme quand j'ai dû partir, avant.. Onegai.

Je débaraissais nos mains de l'arme avant de le serrer dans mes bras, pleurant à chaudes larmes cette fois. Dans le fond, j'étais encore une enfant, n'est-ce pas ?