Effectivement, il y avait quelqu’un. Il apparu de derrière les arbres, tel une ombre silencieuse qui glisse, furtivement. Il y avait dans son regard quelque chose de sombre, de profond et de puissant. Sa simple façon de se tenir devant moi témoignait d’un air supérieur. Je me renfrognai, sur mes gardes. Qu’est-ce qu’un tel être venait faire là? Sournois, le sourire malicieux et manipulateur. Il ne cherchait même pas à se dissimuler. Au moins il avait compris que les faux semblants ne servaient à rien. Et il s’adressa à moi d’une voix qui, ma fois, n’aurait pas pu mieux convenir à un tel personnage. Et ses paroles témoignaient du fait qu’il avait mené sa petite enquête sur ma personne avant de se présenter à moi. Comme une idiote, je lui avais même fourni le meilleur endroit possible. En même temps, comment aurais-je pu deviner qu’il y avait encore des gens pour s’intéresser à moi. Il demanda ensuite, faussement curieux sans doute, si la mort d’autrui était une raison d’abandonner l’espoir. Et il attendit ma réponse.

Deux regards fardés qui se jaugeaient, deux chevelures d’ébènes qui valsaient élégamment dans la brise, deux personnages sombres qui se tenaient l’un devant l’autre. On aurait dit une version masculine plus vieille, plus puissante et plus sombre encore de ma personne. Sauf que sa noirceur n’était pas comme la mienne. Il y avait quelque chose d’élégant, de raffiné et de noble. Ce qui pour moi allait de pair avec manipulation, sournoiserie et le manque de scrupules. Il était en somme des plus…intéressants. Je posai mon poing sur ma hanche, le regardant légèrement de haut, avec arrogance et aplomb. Oui, je savais ne serait-ce qu’en le regardant qu’il avait le pouvoir de me tuer en claquant des doigts, je n’étais pas dupe. Mais il ne l’avait pas fait alors qu’il avait du avoir plus d’occasions que nécessaire pour accomplir sa besogne depuis que j’avais quitté le village. Il avait plutôt cherché un contact, il sondait le terrain. Et puis, me laisser avoir l’air faible devant un tel être serait honteux. Non, j’avais plutôt l’air, admirative? Mais cela, seul mes prunelles scintillantes le livraient. Ma voix, elle, était désintéressée, presque traînante.

« Qu’est-ce que l’espoir, de toute façon? Ce sont des rêves que nous désirons atteindre plus que tout et mes rêves étaient avec lui. Continuer à m’y plonger et à nier la réalité serait stupide. Je suis réaliste et j’accepte ma condition, puisqu’il n’y a rien d’autre d’humainement possible à faire. Et je ne suis pas non plus stupide au point de croire que vous m’aborder ici pour parler philosophie. Comme vous ne m’avez pas déjà tué, alors vous attendez sans doute quelque chose de moi. Ne me faites pas attendre plus que nécessaire, inconnu. »

Ainsi, il accepta de passer tout de suite à la vraie raison de sa présence ici. Il me donna raison sur le fait qu’il ne servait à rien de nous éterniser. J’aurais donc éveillé son intérêt? Il était bien l’une des rares personnes qui voyait encore du potentiel en ma personne alors. Ou alors, justement, il croyait que suite au deuil que je vivais, je serais plus facilement influençable. Plus facile à détourner du droit chemin et à entraîner dans toutes sortes de choses…sombres et encore indéfinies. Il n’avait pas complètement tort. Je n’étais peut-être pas plus influençable, mais j’avais désespérément besoin de retrouver goût à ma vie et d’en faire quelque chose. De me trouver un nouveau but et j’étais curieuse, je l’avais toujours été. Je levai légèrement un sourcil, lui témoignant mon intérêt et l’invitant par le fait même à poursuivre. Il me parla d’organisation, de fin aux limites imposées par les villages. Trop utopique pour être vrai, très certainement. Il ajouta également qu’il n’y aurait plus la nécessité d’agir en tant que pantin au nom d’un Kage. Non, certes, mais à la force qu’il semblait posséder, ça devait être pire encore. D’ailleurs, il continuait ses promesses de gloire, de puissance, de richesses. Il continua en parlant du deuil que j’avais que je ne devais pas laisser entraver mon évolution. Il me proposa donc finalement de me joindre à lui où je pourrais être pleinement exploitée. Le choix de mot était, ma foi, assez révélateur de ce qu’il avait en tête.

De nouveau, je me contentai de prendre la parole d’une voix désintéressée, enfin, cette fois de subtiles intonations laissaient transparaître une curiosité naissante, un intérêt pointant le bout de son nez. Mais je tentai du mieux possible de taire l’éclat de mes yeux qui, ma foi, devait dénoter une envie de me joindre au projet plus que nécessaire. C’était comme si l’on m’offrait enfin le sésame au bureau de mon père et qu’on me permettait de jouer avec les brûleurs et les éprouvettes autant que je le voulais. Il devait forcément y avoir un piège quelque part.

« Tu parles de puissance, de richesses et de gloire. Crois-tu donc que ces choses m’amadoueront? Je ne suis pas un homme, je ne suis pas intéressée par ce genre de préoccupations, je n’en aurais pas grand-chose à faire. On n’attire pas une femme en lui brandissant des babioles sous le nez, on le fait en s’appropriant son cœur et en l’enchaînant à une cause. Je ne me mettrai pas au service d’un inconnu pour que l’on exploite mon talent dans une entreprise qui m’est elle aussi inconnue. Et puis, rien ne m’indique que ce que tu me promets à tout vent est bien réel. Peut-être es-tu un simple charlatan? Un charlatan avec une présence et une aura tout à fait impressionnante certes, mais c’est plus louche encore. Pourquoi un homme comme vous partagerait-il à loisir son pouvoir avec autrui? »

Il se corrigea, comprenant qu'il n'avait pas avancé vers moi de la bonne façon. Bien, il apprenait déjà à ne pas me considérer comme un de ces ninjas à la tête vide qui ne cherchait que son accomplissement personnel et ce, par tous les moyens possibles. Il se justifia même à ma personne. Bien, même s'il ne faisait que semblant, au moins il le faisait. Cette coopération débutait sur un bon pied il faut dire. Il avoua donc ne jamais m'avoir proposé cela à moi. Bien sûr, puisque maintenant il savait que ce ne serait pas si simple, il ne voulait pas avouer sa surprise et préférait simplement faire comme si c'était voulu et que j'étais celle qui sautait trop rapidement à des conclusions hâtives. Alors il reformula exactement la même chose, avec des mots différents. Me permettre d'utiliser mon plein potentiel, d'atteindre une certaine connaissance. Voilà, au moins il avait commencé à s'adapter à mes envies. On ne propose pas une virée dans les bars à une femme qui aime passer ses journées au musée, simple figure de style bien sûr. Il continua à flatter mon égo en me disant qu'il décelait en moi un immense potentiel et que la vie de village ne suffirait pas à lui faire atteindre son paroxysme, à supposé que je désire l'atteindre pour commencer. Ce n'est que sa dernière phrase qui m'intéressa réellement. Tout le reste n'avait été que du vent dont je ne me souvenais déjà plus. Je levai un sourcil, mon regard le jaugeant de nouveau d'un air légèrement hautain. À quel point serait-il sincère avec moi? Jusqu'où irait-il pour m'enrôler? Dans tous les cas, mes instincts de petite fille trop curieuse me criaient de sauter à pied joint dans le manège du grand méchant inconnu.

«Quel genre d'expériences? Quel genre de connaissances pourrais-je acquérir si j'accepte de vous suivre? »

Je m'avançai d'un pas, sortant de l'ombre des arbres pour révéler mon visage avec plus de clarté grâce à une percée dans le feuillage des grands arbres du pays du feu. Je le regardais toujours de haut, mais cette fois l'avidité était belle et bien visible dans mon regard azur. Un désir soudain, malsain, presque pervers. Ma curiosité était devenue légendaire et ma fascination pour les "expériences" l'était presque autant. J'avais toujours été différente des autres et, maintenant, je n'avais plus rien à perdre en plus de cela.