Il pleuvait en ce jour atroce. J’étais sous un parapluie, en ligne avec les autres invités, assise sur une chaise pendant qu’un homme nous lisait des textes songés sur le sens de la vie et ce qu’il advient de l’âme après la mort. Madame Seta pleurait à chaudes larmes et son mari l’entourait d’un bras protecteur pour la réconforter. Kaito tenait ma main dans la sienne et, de son autre main, il tenait celle de Sensei. Je voulais pleurer, mais je n’y arrivais même pas. J’avais l’impression d’être vide, de flotter là entre deux pans de réalité. Cette scène n’était pas réelle, c’était impossible. Et pourtant, le cercueil était devant nous, fermé. Il serait bientôt temps de lui dire adieu, de le laisser partir pour le monde des morts, pour le paradis. Non, impossible.

Je me levai et laissai mon parapluie sur place, marchant rapidement, la tête basse, pour m’éloigner de la cérémonie. Ma longue chevelure trainait derrière moi et je pu entendre quelques commentaires. Oui, ce n’était pas un secret, nous étions ensemble. Mais les ragots pullulaient vite et avant la fin de la journée j’étais supposée me marier le mois suivant. Ridicule. J’accélérai le pas pour ne plus être visible par l’assemblée avant de me mettre littéralement à courir, abandonnant mes souliers à talon derrière moi. Mes pieds nus foulaient le sol frais et humide et mon cœur se serrait. Je chutai dans ma course, m’écrasant au sol lourdement dans la boue et l’eau. Mais je ne me relevai pas, je restai couchée là, contre le sol, pleurant et criant. Heureusement ce n’était pas un coin très passant. Je n’entendis pas les bruits de pas et ne vis Kaito que lorsqu’il se pencha par-dessus moi et posa sa main sur mon épaule, doucement. Je levai la tête vers lui avec lenteur, toutefois incapable de m’arrêter de pleurer.

- Je m’excuse Megumi-chan. Je…Je pensais vraiment qu’il nous suivrait. Si j’avais su eh bien…j’y serais retourné. Je serais mort pour ça s’il le fallait, mais j’y serais retourné.

Je le cru. Il avait beau être parfois asocial, il était devenu un véritable frère pour moi et je savais que je pouvais lui faire confiance. Et puis, Souji était quand même son meilleur ami. Je m’assieds, demeurant toutefois au sol, et l’enlaçai alors qu’il s’était assis à mes côtés.

- Je sais Kaito-kun…je sais.

Nous sommes restés assis là un bon moment avant de retourner à la cérémonie, juste à temps pour le voir être mis en terre. Des dizaines de regards se tournèrent vers nous, ahuris. Oui, nous étions plein de boue, oui, nous pleurions comme des gamins dans les bras de Sensei. Mais ce n’était pas important. Ce qui importait, c’était que ma vie venait de se terminer alors que j’avais à peine dix-sept ans. Que plus jamais je ne connaîtrais le bonheur et encore moins l’amour.