"J'ai vu des personnes qui étaient détestables, adorables ou simplement étranges. Cette kunoichi inconnue, elle... Elle était troublante."
Un corps forgé par les rigueurs d'une existence passée à combattre au nom d'idéaux qui furent faits siens par la volonté des autres. Façonné par la rigueur et la sévérité, il est devenu souple et vivace - visiblement bien découplé malgré les vêtements pourtant amples qui recouvrent sa combinaison d'assassin, car la renégate a pris l'habitude de couper adroitement ses vêtements et de les ourler au bon endroit afin de mieux souligner sa silhouette. Coquetterie ? Volonté d'être davantage à l'aise ? Peu sauraient affirmer avec honnêteté l'une ou l'autre de ces thèses. Il est vrai que si Laheela était autrefois pimpante et joyeuse, sa décision de ne pas revenir dans son village a renversé cette tendance. N'entendez-vous pas la neutralité absolue de sa voix ? Elle devait se forcer autrefois pour lui donner cette tonalité froide, désincarnée ; mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, et c'est naturellement qu'elle donne à ses paroles cette dureté gelée digne d'un lac en pleine montagne.
A s'attarder sur ses mains, on pourrait la penser plus habituée à se saisir d'une plume que d'un shuriken ; et par ailleurs, si certains ninjas sont prompts à la porter à leurs armes, ce n'est pas le cas de celle-ci. Si vous veniez à interroger l'un des membres de Kiri à ce sujet, il hausserait probablement les épaules ou se gratterait la tête en rétorquant qu'il ne l'a jamais vue tirer un quelconque sabre ou kunaï pour le temps où elle résidait là-bas. Un phénomène assez étrange pour qu'il en devienne remarquable, lorsqu'on sait quelle était la réputation de cette jeune femme.
Bien qu'élancée, celle qu'on surnomma parfois l'éclair azuré ne se laisse pas moins dépasser d'une ou deux bonnes têtes par la plupart de ses pairs. Pourtant, il ondoie autour d'elle une singulière aura, pas forcément désagréable ou hostile, mais troublante ; et cela tient surtout à son allure altière, à la démarche trop légère, trop silencieuse, semblable aux pas feutrés d'un chat qui, altier, dessine sa route en même temps qu'il l'emprunte.
"Au début, je ne savais pas qui c'était - elle ne portait pas de bandeau pouvant indiquer son appartenance à l'un ou l'autre des villages. J'étais éméché, et je l'ai couvée des yeux, juste pour... juste pour... enfin bref. Mais lorsqu'elle s'est détournée, j'ai oublié toutes mes ardeurs. Autant convoiter la lame d'une épée !"
Son pas ne fait aucun bruit et effleure à peine le sol. Elle se meut avec la grâce aérienne d'un courant d'air, mais un courant d'air venu du Nord, porteur de givre. Ce n'est pas le fond gelé de ses prunelles qui vous fera penser le contraire, lorsque ses yeux d'un azur hivernal se posent sur vous. Ce n'est pas non plus le jais profond de sa chevelure disciplinée, qui s'égaille savamment en tresses lardant l'air et auxquelles est attachée une clochette au doux carillon - car ces ténèbres qui la couronnent font ressortir le saphir de ses yeux, en rendant son coloris presque... surnaturel. Oh bien sûr, vous pourriez vous attacher à la finesse de ses traits altiers, à la noblesse farouche et un rien sauvage qui les empreint ; de hautes pommettes égalisant l'ovale parfait de son visage, un nez petit et droit, de délicats sourcils ombrageant un peu la mer mouvante de son regard et des lèvres pâles qui sont faites pour sublimer les vers qu'on les imagine déclamer. Pourtant, il y a derrière cette peau satinée, au fond de cette chair, une dureté incroyable qui dépasse de loin la simple fermeté d'une femme habituée à un rude quotidien. Oui, il y a cette... inflexibilité, implacable, déstabilisante, qui la nimbe tout comme la rosée peut nimber l'herbe ou tout comme l'éclat glacé de la lune peut nimber cette même rosée. Dans chaque geste de la renégate, il y a une précision quasi-martiale, une vivacité un peu trop accentuée, une force qui n'était pas nécessaire. Comme si, à chaque instant et surtout en chaque chose, Laheela était prête à transformer son mouvement en le dernier geste qui ôtera la vie à une personne de son entourage.
Et lorsqu'on commence à la côtoyer et à l'accompagner quotidiennement, on peut se rendre compte d'une chose. Que dans toute la distance qu'elle instaure entre elle et ses semblables, que dans toute la froideur qui réside dans son chakra... il y a d'autres ténèbres, plus intimes et plus personnelles. C'est une impression diffuse et maladroite, mais quand on la connaît, on réalise que tout au fond des pupilles de la kunoichi nagent certains mystérieux cauchemars.
Et les déceler a de quoi déconcerter maints de ceux qui se croyaient pourtant inébranlables.
"Cette jeune femme est d'un formalisme admirable. Ce sont des valeurs qui se perdent, de nos jours."
Laheela est une personne respectueuse jusqu'au bout des ongles... mais seulement dans la forme, vous diront certains. Elle ne manque jamais d'user des formules appropriées et n'élève pas la voix. Celle-ci demeure, vous jureront les shinobis qui l'ont côtoyée, toujours pétrie du même calme doucereux. On vous assurera que malgré son ancien rang, elle faisait preuve d'une humilité à toute épreuve et qu'elle n'a jamais su faire preuve d'une quelconque impolitesse.
Mais il y a une différence entre la manière dont agit une personne et la manière dont elle pense. Si l'on peut contrôler ses mots, on ne saurait brider ses idées.
Et la ninja méprise profondément ceux qu'elle salue si courtoisement à l'accoutumée.
Quelque part, elle n'a jamais su pardonner à ceux qui sont restés sous la bannière d'un village. Longtemps, la kunoichi a considéré que ceux qui s'évertuaient à gagner la confiance et l'estime d'un Kage n'étaient que des imbéciles, des individus tous plus sombrement idiots les uns que les autres. Cette rancoeur a longtemps germé au fond de son coeur, au point qu'aujourd'hui elle prend cette volonté de bien faire comme une atteinte personnelle, une chose qui ne devrait pas exister et qui l'irrite rien qu'à la constater.
Il ne faut pas pour autant s'imaginer qu'elle a un caractère emporté, car il est rare de voir une personne aussi posée.
Dans son ressentiment envers les quatre puissances du pays, Laheela s'avère être une adversaire intelligente, dont la ruse n'a souvent d'égale que sa cruauté. Mais cette méchanceté dont elle peut faire preuve n'est jamais gratuite ; là où certains fugitifs sombrent dans la folie et le sadisme, elle-même se cantonne à déclarer que la cruauté est parfois une arme efficace, et que seul compte le résultat à ses yeux. Lorsque la fin justifie les moyens, la juger pour le caractère impitoyable de ses actes relève de l'absurdité.
Toutefois, ce n'est pas parce qu'elle voue cette haine aux villages qu'elle en est venue à rejeter l'autorité.
Car Laheela dédaigne la rébellion, l'indiscipline.
La discipline. C'est cette chose, bien concrète à ses yeux, qui lui a permis de survivre tant d'années sans dépendre de qui que ce soit. L'insoumission face à une autorité qui domine la sienne est une aberration dangereuse, puérile, qui met en péril autant celle qui en fait preuve que ce pour quoi elle se bat. Dès lors, la kunoichi abhorre quiconque fait preuve d'hésitation, encore plus de couardise. Elle porte une foi immense en son idéal d'un pays anarchique, sans villages de ninjas, et refuse qu'on puisse nuire à cette utopie pour quelque chose d'aussi trivial que le doute.
Ce n'est donc pas tant du courage, ou de la bravoure, qui la pousse à affronter sans broncher ses opposants, mais bien plutôt une sorte de résolution adamantine, aussi pure que l'aurore.
L'aurore... l'aube... Quelque fois, de tristes accès de lyrisme saisissent Laheela à la gorge, éperonnent son coeur qui s'en va alors à une chamade effrénée. Ces appels du fond de son âme lui parlent d'art et de poésie, et la renégate, malgré son train de vie propice au cynisme, dispose encore aujourd'hui d'une âme artistique. Il n'est pas rare de la voir au lever du soleil, juchée sur le sommet d'une colline, observant les cieux qui s'embrasent doucement. De temps à autre, on peut même la surprendre dans les forêts qui cernent Konoha, se reposant au pied d'un arbre ou peignant une toile sibylline. Oui, sibylline, car immanquablement dans les toiles qui naissent de sa main se partagent la lumière et les ténèbres. Le beau et le morbide. Une dualité frappante, qui entoure Laheela en toutes choses.
"Vous savez que toutes les histoires ne sont pas forcément heureuses. Au cours de ma vie j'ai fini par croire que nous n'avions que ce choix, triste de réalisme : le bonheur ou le savoir. J'ai fait le malheur d'opter pour la lumière de la connaissance, et ce faisant, j'ai chuté dans les ténèbres."Je ne suis pas issue d'un clan de ninjas réputé. Rien qu'une famille ordinaire ayant déjà envoyé quelques-uns de ses membres à l'académie, surtout pour leurs capacités physiques à peine acceptables en vue du travail de shinobi... Pour ma part, dans les premières années de mon existence, je n'ai jamais cru à cette possibilité, celle de devenir à mon tour un pion entre les mains du Kage. Cette pensée n'effleurait pas vraiment mon esprit, quand bien même on m'en avertissait ; et je me contentais de poursuivre mes chimères enfantines, ces rêves qu'on a, aussi nombreux que les étoiles, lorsqu'on ignore encore la dureté du monde.
Peut-être que beaucoup de morveux vous diront ceci, mais je pense avoir hérité de tout l'amour qu'il était donné de recevoir de la part de ses parents. J'avais un aîné, Kazei, qui était déjà allé à l'académie plusieurs années avant que je naisse, et récoltais toute l'affection que mon père et ma mère ne pouvaient lui accorder. Ils tenaient tous les deux une boutique d'étoffes à Kumo, et les affaires marchaient assez bien pour que je ne manque de rien.
Mes caprices étaient aussi divers qu'innocents : un bout de lin, une poupée de chiffons ou encore l'une des minuscules sculptures de bois que mon géniteur se plaisait à réaliser lors de son temps libre, quand il allait s'asseoir au pied de ce grenadier sur la colline... Je n'ai jamais compris pourquoi, mais le vent était toujours vivace à cet endroit. Il soufflait bruyamment et tourbillonnait sans cesse dans mes cheveux lorsque j'y allais, agitant les branches de l'arbre pour ma plus grande fascination ; les fruits pâles en tombaient, et je m'en gavais insouciamment. Encore aujourd'hui, je raffole secrètement de leur chair sucrée, vague réminiscence de cette époque candide.
En grandissant, je me suis mise à questionner de plus en plus mes ascendants afin de savoir ce qu'il était advenu de Kazei. Invariablement, ils me rétorquaient qu'il était préférable d'oublier ce nom, et que ce que je n'avais jamais connu ne pourrait pas me manquer. Alors, il valait mieux ne pas chercher à savoir. Intimidée au début, je n'osais pas aller plus loin et battais souvent en retraite devant la tristesse qui humidifiait les yeux de ma mère. Mais au fil du temps, je me mis à faire front et à être plus insistante, à ignorer la détresse que mes interrogations soulevaient en eux.
Et un jour, mon père n'y tint plus.
*
- Lahee...
- Non ! Il y a des choses que vous me cachez depuis trop longtemps ! Ce genre de secret se met à peser de plus en plus lourd, et vint le moment où il n'est plus possible de le supporter...
Je n'avais que six ans, mais je parlais parfois avec une dureté qui n'était pas de mon âge.
- Lahee, tu...
- Non. C'est bon, lâcha alors mon père.
Il posa sa large main sur l'épaule de celle qu'il avait toujours soutenue, prenant pour cette fois les devants face à une blessure qui les dépassait tous deux. A cet instant précis, je me demandais si finalement, il n'était pas plus raisonnable de ne rien demander ; mais il était trop tard pour faire marche arrière, et mon esprit buté renâclait à former les mots de pardon que mon coeur brûlait de formuler.
- Tu veux savoir ce qu'il en est de Kazei ? Je vais te le dire. Sa voix avait pris une tonalité étrange, entre conciliation et colère. Il est devenu un ninja de Kumo, assez brillamment je dois dire. Si tu l'avais vu...! Un shinobi exemplaire, jusqu'au bout des ongles. Un peu trop, d'ailleurs. C'est arrivé le jour où il devait être promu jounin...
Les mots avaient du mal à sortir, et je l'écoutais bouche bée affronter les démons qui le harcelaient à l'évocation de ces souvenirs.
- Sa mission était de tuer un homme pour ses actions illicites. Il organisait un trafic de marchandises, des vivres principalement, et nuisait du même coup aux ressources non pas du village, mais du Kage. Le châtiment de mort pouvait paraître exagéré, mais on pensait ainsi que l'exemple serait assez dissuasif pour faire s'effondrer toute velléité de poursuivre cette entreprise illégale. Ton frère en a été chargé et il a accompli sa mission avec brio.
Ses poings se serrèrent et il détourna la tête, fermant les yeux mais pas à temps pour me cacher ses larmes de fureur.
- Il a tué ton grand-père...
Mon sang sembla déserter mes veines et je fis un pas en arrière, comme pour fuir cette vérité. Mais la souffrance qui s'échappait de mes parents portait les accents indéniables de la sincérité...
- Nous lui en avons tellement voulu qu'il a dû quitter le village. Nous ne savons pas où il est, mais une chose est sûre...
Ses paupières se relevèrent, dévoilant un regard embrasé de rancoeur.
- Ce n'est plus mon fils !
*
Depuis ce jour, je me mis à regarder les ninjas avec un mélange d'incrédulité, de peur et de colère. Mon frère était-il une exception, un fou ? Ou l'embrigadement des shinobis était-il fort à ce point ? Les avait-on aveuglé ? Ce qu'ils appelaient "la sévérité du Kage", n'était-ce pas qu'un égoïsme implacable déguisé sous le masque facile des intérêts du plus grand nombre ? Comment pouvaient-ils être heureux de servir un tel homme, et pire encore... vouloir se sacrifier en son nom maudit ?
J'avais sept ans lorsque, de rage, j'ai frappé le grenadier de la colline. Et tout le vent qui soufflait ce jour-là s'est joint à ma colère, brisant le tronc dans une explosion d'échardes.
J'ai gardé en mémoire ce jour, revoyant chaque seconde, ressentant chacune de mes émotions tempétueuses. J'en garde également de nombreuses cicatrices à la jambe, là où la décharge de chakra lacéra ma peau en même temps que les débris de bois. Je ne maîtrisais pas mon affinité, à l'époque, et j'ai bien été forcée de rejoindre l'académie si je ne voulais pas finir par me tuer un jour - ou pire, blesser l'un de mes proches. Oui, j'ai dû rejoindre ceux que je haïssais tant...
En tant qu'étudiante, j'ai dirigé toute ma frustration dans l'apprentissage. J'étais une camarade glaciale et hostile, mais les professeurs mettaient ce caractère sur le compte de ma volonté de progresser au lieu de m'amuser. Ils n'ont jamais deviné que toute la hargne que je mettais dans mes exercices n'était pas celle de réussir, de leur faire plaisir... mais bien parce que je les imaginais souffrir de ces capacités latentes, parce que je savais qu'un jour elles me serviraient à les détruire.
En devenant genin, j'ai compris que je devais mieux cacher mon animosité. Il me fallait devenir leur partenaire, et même leur amie, afin de me tapir dans l'ombre de leur confiance et échapper à leurs soupçons. Je grandis ainsi au sein d'une bande soudée de jeunes shinobis, sans qu'ils ne se doutent de mes véritables sentiments. Nous nous entraînions ensembles, vivions ensembles aussi...
C'est à l'examen chuunin que mes premiers doutes sont apparus. Et si... et si je n'étais pas en train de faire semblant de sourire ? Et s'il était authentique...? Lorsque j'avais tiré mon camarade de ce mauvais pas, était-ce pour parfaire la façade que je leur présentais tous les jours, ou bien parce que j'en avais eu envie...?
J'ai réalisé que je ne les haïssais plus. Alors, à défaut d'être assez forte pour les détester eux, je me suis mise à me détester, moi... "Pourquoi ai-je perdu ma rancoeur ! Pourquoi n'ai-je pas su entretenir cette étincelle ? Ce n'est que faiblesse ! Ce n'est que trahison, envers tes principes, envers ton grand-père, envers la justice que méritent de recevoir les ninjas !"
Justice, vraiment ? Toutes ces personnes que je secourrais au cours de mes missions, en compagnie de mes partenaires... Loin de nous exécrer, ils nous remerciaient avec effusion. Pour eux, les shinobis étaient une incarnation du salut. En ce cas, était-ce justice de leur en vouloir et de chercher leur perte ? Non, bien sûr. Ce n'était que vengeance.
Ce fut le déclic. La lumière sur mes ténèbres. Ainsi, la raison de mon animosité pour eux n'était que la vengeance...? Evidemment. Et la vengeance n'a rien de mal, c'est un sentiment humain.
Aussi insidieusement qu'elle était partie, ma vengeance revint habiter mon coeur ; mais elle était désormais mature, solennelle, empreinte de dédain et d'amusement. Sans guère d'états-d'âme, j'ai tué mes camarades sur le chemin du retour et suis rentrée en cachette à Kumo. Là, je me suis infiltrée dans les bâtiments administratifs pour rechercher la trace d'un ninja dénommé Kazei Lee. J'ai appris qu'il appartenait toujours au village, mais officiait à Kiri en tant qu'agent double.
Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais je sentais que je devais aller découvrir ce frère inconnu et patricide. Une manière de mettre les choses au point, de faire un bilan avant de prendre ma vie en main.
J'ai gagné Kiri en abandonnant mon bandeau, m'y faisant passer pour une simple voyageuse et m'installant pendant plusieurs années. Durant tout ce temps, je menais de discrètes recherches afin de retrouver la trace de mon frère - car évidemment, tout comme moi il avait changé de nom et j'ignorais à quoi il ressemblait. Ce fut par une superbe journée ensoleillée que
lui me retrouva.
*
- Laheela-chan ?
Je me retournais, glacée. Cela faisait longtemps qu'on ne m'avait pas appelée ainsi - depuis que j'avais déserté, en réalité. Je m'étais allongée au bord de l'eau pour profiter un peu de l'atmosphère estivale, et un inconnu m'avait rejointe. Grand, maigre, avec un bras en écharpe et un visage en lame-de-couteau. Il avait posé ses grands yeux sombres sur moi, et l'amusement de son sourire ne les atteignait pas.
- Je vous ai déjà vus quelquefois... vous êtes un ninja de Kiri, n'est-ce pas ?
Il sortit son bandeau d'une de ses poches, jouant un instant avec en le faisant tournoyer autour de son index.
- Exact. Je sais que tu me recherches, et jusqu'ici je m'en moquais un peu. Mais tu commences à te rapprocher un peu trop de mes traces, et pour être honnête, ça pourrait finir par mettre à mal ma couverture.
- Kazei...?
- Encore une fois, tout juste, frangine. J'ai appris que tu avais déserté et, en l'honneur de notre lien de sang, je t'aurai bien laissée tranquille... mais tu deviens gênante.
Au fond de moi, j'étais déjà prête à l'affronter. J'étais sûre de ma force, sûre de mes facultés à ôter la vie ; et pourtant, je n'ai rien pu faire. En un battement de coeur, il avait déjà fiché une dizaine de projectiles dans mon ventre. Hébétée, je ne pouvais que regarder l'acier qui se couvrait déjà de mon sang, poissant mes vêtements. Il s'approcha de moi et me dédia un autre de ses sourires sans joie. Il plongea une main dans mon sac et en retira le bandeau de Kumo que j'avais toujours gardé, pour le nouer autour de mon front. Je n'avais assez d'énergie que pour rester debout sans m'effondrer, et fus incapable de l'en empêcher. Mes jambes tremblaient, ma vision se faisait floue.
- Ca te va plutôt bien, railla-t-il. Dommage que tu n'aies plus le droit de le porter.
Il flanqua alors une pichenette dessus, et l'objet vola en éclats à mon immense stupéfaction. La force du coup m'envoya basculer dans la rivière dans une grande gerbe d'eau.
*
Je le revois encore s'éloigner d'un pas égal, empli de la satisfaction du devoir accompli... Lorsque je me suis réveillée, aux portes de la mort, c'était sur les rives plus lointaine de la rivière, à un endroit où son lit se rétrécissait et son courant se faisait plus paresseux. Je suis parvenue à me hisser sur la terre ferme pour récupérer.
Depuis ce jour, j'ai soigneusement évité les parages du village aux sept épéistes, décidée à ne venir chercher ma revanche sur mon frère que quand je serai prête. Et lorsque j'y serai parvenue... alors, je sais que je pourrai sans problème renverser les Kage, mettre à mal leur domination sur les shinobis et rayer ces villages de la carte.
Pour que plus jamais des monstres pareils, à visage d'humain, n'existent à travers le monde...